depuis septembre 2000
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Notes d'écriture
Avis de tempête chez mon éditeur
Ce nest pas nouveau. En mars 2022, tandis que mon roman Dernier travail était
sous presse, Sophie de Closets avait été remerciée pour ne pas avoir fait
suffisamment de courbettes à Sarkozy, lequel était fâché quelle ait autorisé la
publication dune enquête journalistique en sa défaveur. Administrateur du groupe
Lagardère (copinage, copinage
), lancien président avait réussi à avoir sa
tête. Sophie de Closets avait été remplacée en juin par Isabelle Saporta, non sans
polémiques.
En plein dans la sortie Dernier travail, prévu pour la rentrée littéraire
dautomne 2022, javais autre chose à faire que de réfléchir aux
conséquences de ces changements récents. Beaucoup dauteurs, en effet, avaient
suivi Sophie de Closets, passée chez Flammarion en juillet de la même année, avec
quelques collaborateurs que jestimais, particulièrement compétents. En septembre,
japerçus en coup de vent la nouvelle PDG au salon du livre de Nancy (la seule
manifestation à laquelle jai été convié). Puis ma propre éditrice a quitté à
son tour la maison en octobre et jai continué de travailler avec son adjoint, comme
je le fais avec grand plaisir depuis 20 ans, lequel est passé, du coup, directeur en
charge de la littérature française.
Au printemps 2023, jai à nouveau travaillé avec ma maison dédition,
notamment pour la sortie de Lhomme debout, ladaptation
cinématographique dIls désertent, sorti en 2012 chez Fayard. Javais
commencé depuis quelques mois un nouveau roman et jai averti à cette époque mon
éditeur de ce nouvel opus en cours.
A la rentrée littéraire dautomne 2023, Isabelle Saporta édita le livre de Sarko, Le
temps des con combats et cette nouvelle ne ma pas ravi. Il faut
me comprendre : javais lhabitude de frimer en disant que Obama et moi avions le
même éditeur, et ça ne fait pas le même effet de dire la même chose avec le petit
Nicolas. Dautant plus que je ne pouvais ouvrir le site de mon éditeur sans être
abreuvé du fameux livre Le temps des couil combats ou de voir la
tronche dElon Muscle et sa « biographie autorisée », publié aussi
là-bas. Fayard, éditeur dessais éclectiques, avait diminué en revanche la part
dévolue aux fictions, même si, pour donner le change, les rééditions de grands auteurs ont complété les nouveautés. De
plus, les couvertures de la collection arborent maintenant une tristounette couleur
duniforme vert bouteille : plus de photos, de graphisme, on réduit les
dépenses et la visibilité des romans.
Lorsque jai terminé à la fin de lété mon nouveau récit au nom de code J,
jai pris le temps de le parfaire (note
décriture du 23/11/2023) et jai fait ensuite le tour des officines des
lettres jusquà fin 2023. Ces initiatives sont demeurées sans succès, et ma propre
maison dédition, qui attendait ce nouvel opus, ne me donne pas de réponse, car
elle est aujourdhui dans lembarras le plus noir.
En effet, fin novembre, Bolloré a officiellement pris le contrôle dHachette
et de ses 46 maisons dédition, dont Fayard. On aurait pu penser que les lignes
éditoriales continueraient, jusque-là, relativement libres (hormis laffaire
Sarko-De Closets). Or, Bolloré, qui ne cache pas ses sympathies pour
lextrême-droite sest mis en tête de propulser Lise Poubelle, éditrice de
(sans)Zummour, à la tête de Mazarine, une filiale de Fayard, dans la perspective de
publier, sous la prestigieuse étiquette, Jordan Barbapapa. Or, Isabelle Saporta refuse de
céder un accord de licence permettant lutilisation de la marque de la maison. La
PDG vient dêtre licenciée il y a quelques jours, plongeant ainsi
« ma » maison dans lincertitude de son avenir. Il est à craindre
quavec la parution des livres des bistrotiers du FN, le Fayard Nouveau soit arrivé.
(15/03/2024)
Tout commence aux premières minutes de lescapade
parisienne (en Étonnement et Webcam) : le trajet habituel, la voiture garée au
sous-sol, rejoindre lascenseur, ouvrir la porte de lappartement, remettre
leau, vérifier au robinet de lévier, regarder machinalement par la fenêtre.
Démarches banales, accomplies sans y penser. A bien y réfléchir cependant, lodeur
de renfermé, les publicités qui encombrent la boîte aux lettres, le bâtiment en
construction maintenant terminé : pas venu ici depuis quelques semaines.
On pense à cela dans la cuisine, le temps qui file si vite, avec leau qui coule à
nouveau sur lévier, avec léponge sèche qui se ramollit lorsquon
essuie linox.
Combien de temps déjà depuis la dernière visite ? Avant Noël ? Après ?
Difficile à dire, parfois on passe en coup de vent, parfois on renonce, dautres
plans bousculent le quotidien, des déplacements ailleurs simmiscent.
Ici pourtant cest toujours un plaisir dy venir, comme si on attendait
limprévisible, quelque chose qui laisse penser que la vie et ses aléas se
déroulent ici. Cest très souvent en rapport avec lécriture (cest
pourquoi cet article est dans cette rubrique), à loccasion dun rendez-vous
chez léditeur ou autre, comme lorsque nous avons enregistré, en plein milieu des
puces de Saint-Ouen, notre interview croisée avec Florence Vignon, la réalisatrice de Lhomme
debout, pour le bonus du DVD sorti en janvier (cétait le 29 septembre dernier,
se peut-il que je ne sois pas revenu depuis ?).
Parfois, je viens ici juste pour écrire « dans le bateau » : cest
lidée qui me traverse lorsque je suis au-dessus de la rue passante, dans mon
quatrième étage, le bureau (et lordinateur donc) me placent face au bow-window (ce
mot est une échappée à lui tout seul), comme un capitaine dans sa cabine devant les
flots et lhorizon. Dans une telle ambiance, les mots viennent aisément. Pas de
sortie : je reste reclus ici comme un marin en pleine mer.
Mais revenons à la cuisine : premières minutes, leau remise, essuyer
linox de lévier et regarder machinalement par la fenêtre de la cuisine. Je
nai jamais garni de rideaux lunique fenêtre de cette pièce et lampoule
nue au plafond ajoute au côté « bateau en errance ».
La fenêtre de la cuisine donne sur lautre versant du carrefour. Sur la colline
den face, on pourrait presque deviner dans le fouillis des constructions, à un ou
deux kilomètres à vol doiseau, la maison qui fut celle de Paul Léautaud pendant 45 ans. Mais cest
limmeuble qui jouxte le mien par la droite qui attire mon regard : il y a un
homme sur le balcon. Un homme absorbé par sa lecture. Il tient le livre au-dessus du
vide, il a une position étrange pour un lecteur, entièrement dévolue à sa lecture.
Généralement, on sinstalle sur une chaise, on laisse errer son regard
alternativement sur le spectacle de la rue et le livre ; on rentre à
lintérieur quand il fait froid. Pas lui, il est debout, en manteau.
Jai saisi le portable qui quitte rarement ma poche (voir en Étonnement le
16/02/2024) et jai photographié ce lecteur au balcon. Ici, dans ce lieu où
jattends limprévisible - la vie et aléas-, je me sentais lâme
dun reporter, dun Robert Doisneau ou Vivian Maier (dont jai appris lexistence par Philippe
Delerm dans New York sans New York en Notes de lecture cette semaine).
Je sais : jai dilué cette « petite seconde déternité »,
chère à Doisneau, qui ne vaut que par son instantané, au-delà de mes considérations
oiseuses, mais une photo sapprécie aussi par les circonstances qui la cernent et
qui la prolongent. Ce qui la cerne : le retour dans ce lieu décriture, avec un
lecteur surgit de nulle part comme un symbole. Ce qui la prolonge : les jours
suivants, lhomme na pas réapparu sur son balcon. La nuit, par sa fenêtre
sans volet, on voit une lampe dambiance qui éclaire une sorte de parchemin
encadré, qui semble attendre un regard, posé sur un meuble.
Mais déjà lintérieur de mon appartement mappelle :
lécriture ; et puis lextérieur bientôt : la vie et aller à
(01/03/2024)
Parmi les lettres qui ont été offertes ce week-end par Pascal
Urano au musée de Charleville-Mézières, lune delle est particulièrement
poignante. Arthur Rimbaud ladresse le 23 juin 1891 à Isabelle, sa sur. Le poète, souffrant de la
jambe droite, est alors arrivé à Marseille le 20 mai après un retour effroyable de
lAfrique et une traversée de la Méditerranée éprouvante. Il a été
immédiatement hospitalisé. La tumeur qui gangrène sa jambe aboutit à une amputation
immédiate : « Je ne fais que pleurer jour et nuit, je suis un homme mort, je
suis estropié pour toute ma vie », écrit-il dans cette lettre, un mois après
lopération. Mais sa volonté de vivre est présente et déjà il anticipe son
retour à Charleville : « Je ne serai capable de me mouvoir que dans six
semaines, le temps de mexercer à béquiller ! Je ne serai donc chez vous que
fin juillet. ». On connaît la suite : il reviendra effectivement dans les
Ardennes fin juillet pour repartir définitivement à Marseille quatre semaines plus tard,
accompagné dIsabelle, devenue indispensable.
Lorsquil était parti onze ans auparavant, en 1880, Isabelle avait à peine vingt
ans et lui six ans de plus. Occupé à ses aventures africaines, Arthur écrivait
régulièrement à sa famille, les premières années en utilisant un « Chers
amis » générique qui englobait sa mère, sa sur et son frère Frédéric.
Mais, vers 1884, Frédéric envisage de se marier avec une femme démunie de biens, ce qui
déplait fortement à sa mère. Une brouille définitive sépare les deux femmes de
Frédéric. Dès lors, la correspondance à sa famille sera plus souvent resserrée autour
de « chère maman, chère sur ».
La lettre dArthur récemment acquise est la deuxième adressée spécifiquement à
Isabelle (la première a été écrite le 17 juin 1891, soit six jours avant). Désormais,
sa dernière correspondance familiale sera exclusivement adressée à sa petite sur,
maintenant âgée de 31 ans. Il est probable que Rimbaud nait pas apprécié le
départ rapide de sa mère venue à son chevet pour lamputation, et repartie une
semaine après. Une autre préoccupation vient toutefois sajouter : on réclame
Arthur pour le service militaire ! Isabelle montrera son efficacité à résoudre ce
problème. La correspondance cessera entre Arthur et Isabelle le 20 juillet au bout de 13
échanges de missives en un mois : Rimbaud décide de rejoindre sa mère et sa
sur dans leur ferme de Roche. Lorsquil repart de nouveau à lhôpital de
Marseille un mois plus tard, en proie à son mal qui empire, Isabelle sera lombre de
ses derniers instants et lunique témoin des 80 jours qui lui restent à vivre.
(23/02/2024)
Lannée passée, jai évoqué, dans une note décriture du 10/11/2023, la 27ème
édition du Festival de lécrit, organisé par Initiales depuis le début et
que javais eu lhonneur de présider en octobre : 5 rencontres avaient eu lieu
dans ma région du Grand Est, à Troyes, Chaumont, Charleville, Reims et Bar-le-Duc. Elles
avaient réunis plus de cinq cents participants. Le traditionnel recueil sétait
encore épaissi : 212 pages. Javais écrit pour loccasion une
préface : le « mot du jury ».
Je vous la livre maintenant, en appui dun magnifique film
réalisé à loccasion de cette manifestation et qui vient juste de sortir.
En route pour la 28ème édition pour laquelle je me réjouis de
participer encore !
« Écrire et crier. Et le crier sur les toits, le rassembler dans un recueil, le
partager dans un festival, dont voici la 27ème édition, lâge de la jeunesse et de
la maturité à la fois. « Tous les mots sont adultes » pour citer François
Bon qui a donné ce titre à lun des plus importants manuels dateliers
décriture. Car on nimagine pas lénergie quil faut pour trouver
tous les mots, les soupeser, en goûter la saveur, puis les assembler, les lire, les
relire, les raturer, en corriger le sens, les relire encore, à voix basse, à voix
haute
Pour mieux se rendre compte de cette puissance, il faut multiplier par 300 la vigueur des
textes proposés pour cette édition 2023. Et le jury prend la pleine mesure de la tâche
ardue qui lui incombe. Chaque phrase est unique et porte la beauté du monde. Des mots
adultes donc, sortis du cur, mais qui fouillent dans nos enfances, au fond de nos
mémoires.
Peut-être quécrire, cest cela : chercher non pas lactualité
immédiate, mais la profondeur entrevue au-delà. Dans notre univers de réseaux sociaux,
qui sont hélas trop souvent que des injonctions individuelles et stériles, il existe ce
pas de côté quon nomme lécriture, avant tout un échange, un sens
collectif, partagé entre tous, le temps de laventure dun festival de
lécrit.
Car au-delà de chaque phrase, je connais le poids des silences, les regards dans le vague
ou qui errent sur la feuille avant de commencer à écrire. Ce moment que je nomme
« linstant magique » mémeut presque aux larmes à chaque séance
datelier, car il signifie quon sapprête à se rejoindre, à toucher
lautre, à lui proposer la part la plus intime que lon porte en soi :
chaque mot est une enfance.
Alors merci, merci, merci, trois cent fois merci aux auteurs et autrices des textes
publiés ou non, et des dizaines de merci pour chaque animateur, chaque bénévole, chaque
organisateur, chaque membre du jury qui a uvré afin que ce Festival de
lécrit, soit, une 27ème fois de plus, une parfaite réussite. »
(16/02/2024)
Instants handball : un titre en 2 fois huit lettres,
symétrique comme 2 équipes face à face, et surtout un beau projet que nous avons
initié avec lami Alain
Delatour il y a déjà 10 ans.
Après avoir planché ensemble pendant des mois pour relier lécriture et la
peinture sur le thème commun de ce magnifique sport, nous étions prêts pour une
première exposition à Voiron en novembre 2015 dans le cadre du festival Livres à
vous. En 2016, nous avons élargi notre réflexion autour dun atelier
décriture, mené avec des classes décole primaire à Dunkerque, en
partenariat avec le club professionnel de handball de cette ville. Un livre Instants
handball a concrétisé cette aventure en octobre de la même année, le seul
ouvrage labélisé dans la perspective du championnat du monde organisé en 2017 en
France, où notre équipe nationale a remporté son 6ème titre ! Notre
« Instants handball World Tour » a ainsi continué avec dautres
expositions à Paris, à Créteil où les tableaux ont été accrochés dans la Maison du
handball flambant neuve et inaugurée par le Président de la République (Webcam du 14 janvier 2019).
Aujourdhui, cinq ans après, Instants handball est de retour, comme pour
saluer les très belles prestations de nos équipes nationales féminine et masculine aux
championnats du Monde et dEurope. Une nouvelle exposition aura donc lieu du 2
au 26 avril 2024 au musée de la métallurgie de Bogny-sur-Meuse, avec de nouvelles
uvres inédites.
(09/02/2024)
Lhomme debout est maintenant disponible en DVD chez LHarmattan.
Linitiative revient, cette fois encore, à Florence Vignon. Car rien navait
été prévu par le producteur et il eût été dommage que la sortie brève de ce film ne
soit pas relayée sur un support numérique. Le DVD demeure un standard pour le cinéma et
si beaucoup ont tendance à renoncer aux lecteurs Blu-ray de salon, cest tant pis
pour eux, la dématérialisation croissante et les vidéos obtenues sur Internet, via
Netflix ou autres, ne constituent pas la panacée universelle. Dans les bibliothèques,
les DVD correspondent un peu au format papier des livres, on peut les emprunter
(récemment pour moi Contes du hasard et autres fantaisies de Ryusuke Hamaguchi et Bird
people de Pascale Ferran). En plus, on trouve souvent des bonus : pour Lhomme
debout, trois conversations avec Florence Vignon, une avec moi-même, mais surtout
avec Côme Aguiar, auteur de la très belle musique originale du film, ainsi quavec
Aurélien Marra, directeur de la photographie, magnifiquement inspiré. Bref, vous avez
toutes les clés pour vous plonger dans lunivers et le making-off du film.
Cest dingue non ? On se croit parfois revenu au temps de Gutenberg pour les
vrais livres de papier et à lépoque des frères Lumière pour le format des
pellicules de 35mm
Or, si la technique immatérielle dénude de plus en plus nos intérieurs, ce nest
pas sans rappeler lenjeu justement de Lhomme debout où le héros,
magistralement interprété par Jacques Gamblin, se bat pour défendre les papiers peints
bariolés qui autrefois décoraient nos appartements.
Ainsi, le DVD représente la même arrière-garde dun monde qui persiste au-delà
des avancées quon espère, Intelligence Artificielle en premier.
Bref, résistez, achetez le DVD et refaites vos murs avec un papier à grosses fleurs.
(02/02/2024)
"Jécris ces pages comme on rédige un constat ou un
curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui
nétait pas la mienne. Il ne sagit que dune simple pellicule de faits et
gestes. Je nai rien à confesser ni à élucider et je néprouve aucun goût
pour lintrospection et les examens de conscience. Au contraire, plus les choses
demeuraient obscures et mystérieuses, plus je leur portais de lintérêt. Et même,
jessayais de trouver du mystère à ce qui nen avait aucun.
Les événements que jévoquerai jusquà ma vingt et unième année, je les ai
vécus en transparence ce procédé qui consiste à faire défiler en
arrière-plan des paysages, alors que les acteurs restent immobiles sur un plateau de
studio. Je voudrais traduire cette impression que beaucoup dautres ont ressentie
avant moi : tout défilait en transparence et je ne pouvais pas encore vivre ma vie.
[...]
Je loue une chambre, sur la petite place de La Garde-Freinet. Cest là, à la
terrasse du café-restaurant, à lombre, que jai commencé mon premier roman,
un après-midi. En face, la poste nétait ouverte que deux heures par jour dans ce
village de soleil et de sommeil. Un soir de cet été-là, jai eu vingt et un ans et
le lendemain, je devais reprendre le train.
[
]
A Paris, je me cache. Août. Le soir, je vais au cinéma Fontainebleau, avenue
dItalie, au restaurant de la Cascade, avenue Reille
Jai donné à mon
père un numéro, Gobelins 71-91. Il me téléphone à 9 heures du matin, et je
fais sonner le réveil car je dors jusquà 2 heures de laprès-midi. Je
continue décrire mon roman. Je vois mon père une dernière fois dans le
café-glacier, au coin de la rue de Babylone et du boulevard Raspail. Puis il y a cet
échange de lettres entre nous.
[
]
Je ne lai plus jamais revu. Lautomne à Paris. Je continue décrire mon
roman, le soir, dans une chambre des grands blocs dimmeubles du boulevard Kellermann
et dans les deux cafés, au bout de la rue de lAmiral-Mouchez.
[
]
Une nuit, je me demande bien pourquoi, je me retrouve, avec dautres personnes, de
lautre côté de la Seine, chez Georges et Kiki Daragane pour laquelle, à quatorze
ans et demi, je métais enfui du collège
[
]
Je propose timidement à Georges Daragane et Kiki de leur faire lire mon manuscrit, comme
si je me trouvais chez eux dans le salon de Mme et de M. de Caillavet.
Peut-être tous ces gens, croisés au cours des années soixante, et que je nai plus
jamais eu loccasion de revoir, continuent-ils à vivre dans une sorte de monde
parallèle, à labri du temps, avec leurs visages dautrefois. Jy pensais
tout à lheure, le long de la rue déserte, sous le soleil. Tu es à Paris, chez le
juge dinstruction, comme le disait Apollinaire dans son poème. Et le juge me
présente des photos, des documents, des pièces à conviction. Et pourtant, ce
nétait pas tout à fait cela, ma vie."
Un pedigree, Patrick Modiano, 2005
(26/01/2024)
Jai rencontré une seule fois Marcel Moreau, cétait
le 25 novembre 2002 à la brasserie Wepler à Paris où il recevait le prix du même nom
pour son livre Corpus scripti et moi la mention pour Composants. Je ne sais
pas si nous avons eu le temps déchanger quelques mots. Il y avait foule, nous
étions sollicités de toutes parts. Je me souviens avoir été, comme lui, photographié
dans lescalier des toilettes pour Paris-Match parce que la lumière était
meilleure, ce qui ma valu un bon mot oiseux que na pas apprécié mon éditeur
de lépoque : « Jétais loin de me douter que jentrerai un
jour dans la revue Paris-Match par la porte des WC
».
En 2002, les articles soulignaient encore que jétais « un jeune
auteur ». Javais 44 ans et juste publié 3 livres. Marcel Moreau était à
laube de ses 70 ans. Écrivain belge, il avait écrit 40 livres en 40 ans et il
navait jamais été récompensé en France. Cela je lignorais, je ne
lavais pas lu. A cette époque, le monde littéraire était bien trop grand pour moi
et javais juste envie de tracer ma route. Aujourdhui ma route possède
l'allure dune nationale déclassée en départementale, mais je lai bien
voulu, je flâne encore, jaime regarder les fleurs sur les bas-côtés.
Pour en revenir à Marcel Moreau, il est mort 2 mois avant mon père, le 4 avril 2020 du
Coronavirus à lâge de 87 ans. Aujourdhui, à lheure où jécris
ces lignes, je nai toujours pas lu une seule ligne de lui, mais jai le temps,
les écrivains ont lavantage de continuer à nous parler doutre-tombe.
En revanche, jai lu quelques notes concernant son écriture, comme celle-ci,
pragmatique et précise : « Je ne connais pas le vertige de la page
blanche... Je ne suis pas non plus dans la grâce continuelle d'écrire, je travaille sur
des profondeurs, sur des ténèbres, ce n'est donc pas facile de porter tout ça à la
lisibilité et à la justesse, c'est un combat. Et mes manuscrits en sont un témoignage.
Le problème d'une telle écriture est que la pensée va plus vite que la main, il y a des
mots qui manquent à l'intérieur des phrases, des lettres qui manquent à l'intérieur
des mots. L'organisation se fait à la machine, sur ma vieille Olivetti où tout est à
reconstituer. Le caractère même de la machine m'oblige à freiner ce rythme, cette
instance, cette espèce de folie, à avoir du recul, c'est là que j'entends si le style
n'est pas bon. C'est là aussi que les phrases amputées se reconstituent. »
La totalité de cet article se trouve sur lhommage que la Fondation
La Poste, partenaire du Wepler, a rendu à Marcel Moreau.
(19/01/2023)
Généralement, en début
dannée, je fais toujours un bilan de mes courses à pied en rubrique Étonnements.
Cette année, pour cause de triste actualité, Françoise et Bernard ont monopolisé la
rubrique. Je me reporte ainsi en rubrique Notes décriture, sachant quil faut
que jinaugure cette celle-ci en début dan, sachant que lactualité dans
le domaine décriture est au point mort en ces fêtes de fin dannée, sachant
aussi que, finalement, la course à pied est intimement liée à lactivité
littéraire et ce nest pas Murakami qui me désavouerait avec son Autoportrait de
lauteur en coureur de fond.
Cette année 2023, comme depuis le 9 mai 2009, jai continué dalimenter le
fichier Excel sur lequel je recense toutes mes compétitions et entrainements, randonnées
à pied, en vélo, sur route, chemins, sentiers forestiers et même tapis de course
(depuis décembre 2019). Mon fichier compte un peu moins de deux mille lignes et
probablement très peu doublis.
Au final, depuis que je recense mes maigres exploits sportifs, jaurai parcouru en
petites foulées bondissantes 12169 km depuis la veille de mes 51 ans jusquà mes 65
ans bien sonnés, soit la distance Paris-Pékin par la route avec quelques petits
détours.
Jaurai usé une dizaines de paires de chaussures, mais depuis le 28 décembre 2013,
soit depuis 10 ans, cest essentiellement des Fivefingers que jaurai
utilisées, exactement 8 paires, 5 de type Bikila pour la course sur route, 2 pour les
trails (modèle Spirydon) et 1 polyvalente avec laquelle je vais même dans leau. Je
supporte aisément ces « chaussettes à
doigts » avec semelles Vibram, dun poids moitié moins élevé quune
basket poids plume, 130 gr par chaussure, qui dit mieux ? Jai ainsi accompli
6000 km avec ce genre de soulier, totalement dépourvu damorti, en prise directe
avec le sol. Mais cest véritablement la chaussure qui me convient : je
nai jamais eu de blessure musculaire ou tendineuse et je ne sais pas ce que
cest que davoir des courbatures après une course. En 2018, jai même
accompli un marathon avec des Fivefingers, modèle V-Run, et jai aidé mon
gendre, 30 ans plus jeune et qui avait couru les 42 km avec moi, à remonter dans le train
car il était perclus de crampes.
Après cinq ans de bons et loyaux services, je viens de les changer en reprenant
exactement le même modèle : je commençais à voir à travers la semelle, elles
totalisaient 2000 km !
Toute cela pour dire que se procurer une paire de running neuves à 65 ans,
cest un peu comme investir dans une nouvelle voiture à 90 ans : même pas
peur !
Il faut dire que jai repris cette année un entrainement plus régulier. Jai
même renoué avec la compétition phare de ma ville en mai (Étonnements du 03/06/2023). Jai ainsi accompli cette année 580
km en courant, dont 52 sur tapis de course. Car cette machine est devenue un complément
indispensable. Plus dexcuses (il pleut, il fait froid - comme ce matin moins 5°),
le tapis de course accueille mes petites foulées bien à labri, juste à côté de
mon bureau dailleurs.
En réalité, jai vraiment recommencé à courir à la fin du mois de mars, avec la
bonne résolution dy aller coûte que coûte 3 jours déterminés par semaine. Bon,
jadmets que ces promesses sont parfois remises en cause suite aux bousculades de
lagenda. Par exemple, je nai pas pu trouver un moment pour courir depuis le 29
décembre, mais jai terminé lannée en beauté avec 10 km sans fatigue. Et au
total, jaurai accompli une moyenne de 16 km par semaine depuis avril, cadence qui
est quasi-comparable avec lannée 2019. Jai ainsi retrouvé un rythme
davant-Covid, avec toutefois 4 ans de plus, et donc, des performances à la
baisse
mais cest trois fois et demi de plus que lannée précédente. Si
javais continué de ralentir les distances, il est certain que je me serai lassé.
Cependant jai des chaussures neuves : alors haut les curs pour
2024 !
(13/01/2024)
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