depuis septembre 2000
| |
Atelier d'écriture Les Islettes
(Avril 2025)
Je retrouve avec une grande joie le village des Islettes et sa
médiathèque, administrée par la dynamique Francine. Jétais intervenu en 2023,
jen garde des traces ici, et
cest important pour varier les plaisirs et ne pas refaire les mêmes animations.
Dans ce village isolé de tout, si je retrouve les participants du Foyer daccueil de
Clermont-en-Argonne, Francine a également réussi à faire venir des pensionnaires du
Centre parental de cette même cité, ainsi que des demandeurs dasile du CADA de
Bar-le-Duc. Public diversifié donc, francophone et allophone.
Première
séance, le 2 avril 2025 :

Je retrouve les petites routes qui serpentent à travers la campagne et les bois pour
rejoindre Les Islettes. Malheureusement, un village est en réfection et moblige à
un détour dune dizaine de kilomètres, jarrive donc avec un petit retard,
mais jai circulé sous un soleil magnifique et une température plus que
printanière.
Les participants sont nombreux, une fois de plus, douze inscrits, sans compter six
accompagnateurs, et deux bébés de quelques mois, venus avec le Centre parental !
Nous sommes ainsi vingt et un réunis dans la bibliothèque.
Je me présente brièvement, jai apporté quelques livres et le DVD de LHomme
debout.
Mais, très rapidement, je donne à chacun la parole par un tour de table. Les
pensionnaires du CADA commencent, suivis par ceux du Foyer daccueil et ceux du
Centre parental. Dans ce premier contact, chacun imagine en silence les circonstances qui
ont amené dans ces structures les participants. Cest important pour faire corps
ensemble et créer une bonne dynamique de groupe. Cest également essentiel si je
veux embarquer tout le monde dans mes pérégrinations décriture, et, avec trois
nationalités étrangères, deux participants qui débutent notre langue depuis quatre
mois, des handicaps légers ou des situations problématiques, je nai pas le droit
de laisser quelquun de côté.
Justement, histoire de partir du bon pied, je demande à chacun décrire
lacrostiche de son prénom en évaluant les qualités quil semble posséder ou
les défauts quil na pas. Cest loccasion pour chacun de lire à
voix haute son premier texte et de révéler quon se voit aimable, élégant,
intelligent, unique, parfois têtu ou nerveux. Nous voici ainsi tous unis par nos
qualités humaines !
Maintenant, je cherche à les faire écrire sur un sujet qui nous réunis tous : la
cuisine.
Lécriture culinaire est en effet bien normée : la liste des ingrédients, les
noms des ustensiles, le vocabulaire si spécifique qui compose une recette. A partir de
ces éléments, je leur demande de rédiger leur propre recette du bonheur, en
saidant des qualités quils ont énumérées dans leurs propres acrostiches.
Pour certains, je place la barre un peu haut. Il faut en effet faire preuve
dabstraction, dun sens du second degré pas maitrisé quand on commence une
langue. Je propose alors décrire pour ceux qui le désirent une recette, par
exemple celle de leur pays.
Les congolais me décrivent des recettes dAfrique et nous discutons des vertus de la
pâte darachide ou des feuilles de manioc introuvables en province. Une albanaise
évoque en salivant les pâtes réalisées dans son pays qui nont déquivalent
nulle part. Kevin, que je connais déjà, imagine une tarte avec des vis en métal en
guise de garniture. Seules les deux mamans écrivent leur recette du bonheur. Francine,
toujours très à propos, en profite pour sortir le goûter. Nous naurons pas le
temps de lire les productions des participants. Jen profite pour photographier les
textes. Cela permet à chacun de garder le fruit de ce quil a écrit, mais
cest aussi une manière de leur présenter leur texte rédigé au traitement de
texte et imprimé, comme le serait celui dun livre. C'est valorisant.
Et comme le seront les textes de ceux qui figureront dans le festival de lécrit (je
maperçois que jai oublié de leur en parler).
Avec le thème des recettes, la première séance sachève ainsi dans la joie et la
faim
de revenir.
Et moi, je repars, comme dhabitude gonflé à bloc : à suivre
Deuxième
séance, le 17 avril 2025 :

Comme convenu,
jai recopié les textes des participants. Bien sûr, cela prend du temps, mais
jen gagne aussi un peu lorsquil sagira den proposer certains pour
le Festival de lécrit. De plus, après cette première séance, cette action me
permet de détecter les facilités ou les difficultés de chacun pour la chose écrite,
mais également de mapercevoir defforts passés inaperçus, comme Jonathan qui
a doublé les acrostiches, ou Heïdi qui avait écrit deux textes sur le printemps en
marge des consignes.
Malheureusement, les pensionnaires du Centre familial (Heïdi, Jonathan et Vanessa) ne
sont pas venus, mais je retrouve avec plaisir ceux du Cada de Bar-le-Duc (Anxhela,
Bienvenue, Sulleyman, Mifi), même sil en manque deux, ainsi que ceux du foyer
daccueil (Sylvie, Éric, Joël et Sylvie), un nouveau Jeremy, arrivé avec son
accompagnatrice Ornella. Car, il ne faut pas oublier les accompagnateurs qui font un
travail formidable (Naïma, Lucie, et aussi Francine et Chantal, les tenancières de cette
médiathèque dynamique qui nous accueille). Jai grand plaisir à prononcer leurs
prénoms et à les saluer. Nous sommes ainsi encore 15 autour de la table.
Le premier travail est ainsi de lire ou faire lire par les participants les textes de
cette dernière séance, histoire de se mettre en voix et de ne pas rester statique.
Maintenant, nous pouvons avancer plus avant dans la production de petits textes destinés
au Festival de lécrit, que jexplique, et dont je cite quelques extraits de
ceux, parmi eux, qui ont déjà gagné les années précédentes (Éric, Kevin et Sylvie).
Kevin a ainsi écrit lannée passée un texte inspiré des « je me
souviens » de Georges Perec et Sylvie une variation sur « Il y a ».
Éric, lui, en 2023, se projetait avec un texte dans le futur.
Je propose ainsi décrire sur ces variations temporelles, passé (je me
souviens), présent (Il y a) et futur. Mais au lieu dutiliser ces inducteurs qui me
sont familiers (Perec ou « Il y a »), je les laisse libre de démarrer, cela
fait moins « procédé ». Et cela fonctionne à merveille pour cette séance.
Ainsi, Kevin et Sylvie se sont particulièrement épanouis depuis 2 ans. Sylvie, qui
était à peine capable décrire une seule phrase, aligne toute seule une page
complète et très émouvante sur le futur mariage de son fils en juillet. Kevin imagine
plus tard piloter une soucoupe volante. Dautres textes sont plus nostalgiques :
ce sont ceux des demandeurs dasile du Cada qui racontent les êtres aimés
quils ont dû abandonner dans leur pays, les péripéties de leur voyage ou la
difficulté de se reconstruire. Et je découvre la personnalité incroyable de Joël qui
nous gratifie dun texte sur La misère de la philosophie de Proudhon, texte
auquel répondit Karl Marx
Lhétérogénéité des participants est étonnante, certains sont cassés par les
accidents de la vie, dautres tentent de sintégrer et dapprendre le
français. Tous vivent dans un présent résigné ou incertain, mais débordent
dénergie. Un goûter clôt notre séance décriture et nous échangeons
encore de belles histoires, comme celle de la fille albanaise dune participante qui
est liée dune grande amitié avec une fillette afghane du même âge.
Bref, encore bien des instants chaleureux. Je repars dans le froid et la pluie à travers
les bois, mais avec le sentiment dune belle après-midi passée dans ce bout du
monde.
|