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Notes d'écriture 2020

 

Les lecteurs de F de R le savent bien : j'ai couiné pendant des lustres pour qu'un enregistrement du film Paris au mois d'août soit disponible. Les premières fois, au début des années 2000, j'ai espéré une cassette VHS, puis, la technologie aidant, un DVD. La dernière fois que j'ai ramené ma fraise, c'était après la mort de Charles Aznavour (voir note d'étonnements du 05/10/2018). Un an après, enfin, un coffret DVD - Blu-ray a réparé l'injustice. Tous mes remerciements vont d'ailleurs au notuliste-notulien Philippe Didion, qui m'a notulé cette édition en février de cette année. Dès réception, j'ai aussitôt dégusté l'objet, avant le premier confinement (et combien les images d'un Paris filmé il y a plus de cinquante ans ans auront été revigorantes pour aider à tenir...).
Je viens de revoir une nouvelle fois le film, la tempête faisait rage dehors, la pluie cinglait les vitres, nos masques égouttaient leurs miasmes dans l'entrée, mais Pat Seagrave avec son charmant sourire séduisait Henri Plantin une fois de plus dans l'été parisien des années 60.
Le film est un véritable enchantement et l'attente si longue de pouvoir un jour regarder l'adaptation de mon roman fétiche a été comblée.
Il y a bien sûr au premier plan un Aznavour tout en retenue et timidité pour jouer le personnage d'Henri et Suzanne Hampshire, vive et souriante avec un charmant accent anglais pour lui donner la réplique dans le rôle de Pat. Mais il y a aussi tous les seconds plans, seconds personnages, magnifiés par des images en noir et blanc d'une qualité exceptionnelle. Rues désertes ou encombrées de véhicules pour lesquelles on ne cesse de s'exclamer « Une DS ! Une Simca ! Un Tube Citroën ! Une Estafette Renault ! » entre deux bus, à l'époque peints en vert, et des cohortes de 2 CV. Les poubelles en métal stagnent devant les portes cochères (Henri, en amoureux transi, saute allègrement par-dessus), les réclames Cinzano sont accrochées dans les bistrots, on parle Tiercé, pêche à la ligne. Les amis d'Henri sont hauts en couleur, comme Godaille, son voisin qui vit dans un capharnaüm similaire à celui de Léautaud à Fontenay. On se lave les dents au-dessus de la vaisselle dans l'évier, on s'allonge au soleil sur les toits en zinc. Comme dans les romans de Fallet, le moindre détail est poétique et populaire.
L'adaptation cinéma du roman de Fallet par Pierre Granier-Deferre (qui épousera Suzanne Hampshire un an plus tard) est une vraie réussite. La belle chanson d'Aznavour revient régulièrement égayer les séquences.
Bien-sûr, on ne retrouve pas tous les détails du livre, par exemple, la concierge, la mère Pampine, ne meurt pas à la fin, mais est fortement dissuadée par les amis d'Henri de révéler à sa femme les allées et venues de la belle Pat dans son immeuble. Henri, par ailleurs, décide d'accompagner sa belle anglaise à Londres, ce qui n'existe pas dans l'histoire de Fallet, et il faudra rajouter la providence d'un départ inopiné à Orly pour que l'intrigue retombe sur ses pattes. Mais le propre d'une adaptation est justement de déployer la créativité cinématographique forcément différente de celle contenue dans la lecture imaginative d'un roman et j'aurais, j'espère, l'occasion de rediscuter de ce sujet dans F de R pendant cette année nouvelle.
(28/12/2020)

 

Je viens de recevoir des nouvelles de Martin Goodman, universitaire anglais qui enseigne à Leeds. Il vient de passer sa thèse de « doctor of philosophy » intitulée Contemporary French Storytelling and Workplace Bullying: Narratives of Suffering. Je l'avais rencontré à Paris en septembre 2018 (Étonnements du 21/09/2018) : souvenir d'un déjeuner agréable et de discussions autour de la littérature du travail. C'est le thème bien sûr de sa thèse et je suis heureux qu'il ait pu la mener à bien, même si la soutenance a eu lieu à distance, Covid oblige. C'est ainsi la quatrième thèse dans laquelle je figure en tant qu'objet d'étude : 51 occurrences et citations dans celle-ci, je suis très fier de ce partage.
Du coup, j'ai remis à jour la page « Littérature du travail » de F de R, que je n'avais pas revue depuis plus de cinq ans. Il s'est passé bien des choses en effet, à commencer - ou plutôt à terminer – par la soutenance de ma propre thèse La représentation du travail dans les récits français depuis la fin des Trente Glorieuses il y a déjà trois ans tout juste (notes d'étonnements et d'écriture du 19/12/2017). J'ai fait le choix de la proposer en ligne dans son intégralité : savoir que ça représente plus de 400 pages, 1600 notes de bas de pages, 500 livres étudiés, lus, compulsés, un total de 14 années d'études.
Mais, deux ans auparavant, Il y avait eu le doctorat à la Sorbonne d'Aurore Labadie Le roman d'entreprise depuis les années 1980. J'y figurais en objet d'étude donc, en belle compagnie (François Bon, Nicole Caligaris, Elisabeth Filhol). Aurore a obtenu le prestigieux prix de thèse cette année là, formidable reconnaissance d'un travail innovant. Un livre a suivi, qui fait référence : Le roman d'entreprise français au tournant du XXI° siècle   aux presses Sorbonne Nouvelle.
Et puis, pour rester dans le domaine des thèses de la Sorbonne, il y eu la soutenance trois mois après la mienne, de Sylvaine Lecomte-Dauthuille : Le motif improbable dans l’exploration du réel, chez Jean Rolin, Emmanuel Carrère, Thierry Beinstingel.
Enfin, pour rester en tant qu'objet d'étude, ajoutons qu'une universitaire égyptienne, Mme Hajar Sayed Abdelnasser, a passé cette année-là son magistère à l'université Ain Shams, du Caire avec cette publication Le monde de l'entreprise dans l'œuvre de Thierry Beinstingel. On peut consulter les 15 premières pages.
Toujours en 2018, la revue Modern & contemporary a publié l'intervention que j'avais faite à Londres en 2016 : Écrire sur le travail: être dedans et dehors - œuvres emblématiques et histoires singulières.
Savoir aussi que les actes du colloque de Cerisy « Lire Zola au XXIe siècle », auquel j'avais été invité par Aurélie Barjonet et Jean-Sébastien Macke en 2016 sont également parus à la toute fin de cette même année.
A signaler encore, un article du sociologue Marc Loriol, Une approche littéraire de la souffrance au travail, Thierry Beinstingel et les suicides à France Télécom, publié en 2019 dans La Revue des Conditions de Travail.
Depuis, ces recensions sur la littérature du travail se sont calmées, si on excepte ma participation active, au concours « écrire le travail », notamment avec un atelier d'écriture à Argenteuil en 2019 et une publication collective en 2018. Mais il faut dire que je me suis consacré à l'écriture de deux autres romans, immédiatement après ma thèse. Je sais qu'on aimerait bien que je réécrive sur le sujet du travail. Mais m'en suis-je vraiment éloigné ? Il se pourrait qu'un jour je disparaisse sans trace n'est jamais que trois histoires de travail entrecroisées et Yougoslave comporte bien des pages sur l'activité sidérurgique de mon grand-père en Bosnie et bien des paragraphes sur le métier de routier qu’exerça mon père en France.
(14/12/2020)

 

On parle de rentrée littéraire mais jamais de sortie littéraire. Pourtant, dans le grand marché du livre, il faut savoir laisser la place à d'autres nouveautés. Bientôt, la traditionnelle rentrée de janvier prendra la place de celle d'automne et le terme de sortie littéraire me semble approprié à ce vaste mouvement des étals de librairies. D'ici la fin de l'année, les invendus de mon roman Yougoslave, paru le 19 août, seront renvoyés, un ou deux exemplaires rejoindront, si j'ai de la chance, d'obscurs rayonnages où je serai classé par ordre alphabétique entre Beigbeder et Bellanger.
Ainsi, la « sortie » d'un livre d'une « rentrée » littéraire ne dure jamais que que trois ou quatre mois. Si je me réfère à Yougoslave, 80% des ventes se sont étalées sur les 10 premières semaines, jusqu'à fin octobre donc. Mais cette année a été particulière avec un confinement dès novembre. De plus l'absence de nomination a des prix (hormis le prix de la page 111 -sic!) a contribué à la relative invisibilité du livre. L'Huma, le Figaro et le Monde ont l'ont relaté en septembre, ainsi que En attendant Nadeau. La moitié des ventes a eu lieu à cette période, d'où l'intérêt de tels prescripteurs. Mon interview par Mathias Enard à France Culture a été mise en ondes le 1er novembre au début du confinement. Saluons aussi la presse locale, le Journal de la Haute-Marne, qui relaie généreusement mes publications et cette petite notoriété, souvent directe et amicale, est un grand bonheur qui compte beaucoup pour moi.
Les salons et les manifestations, heureusement maintenus pour la plupart, ont assuré des moments d'échanges importants comme à Manosque ou Besançon : c'est essentiel pour se sentir un peu tout de même « écrivain ».
Reste la suite : Yougoslave est déjà appelé à des prolongements, car la vie d'un livre ne s'arrête pas au moment où il quitte les rayons des librairies heureusement. On en reparlera.
(07/12/2020)

 

Le Caravage : j'en ai parlé dans Feuilles de route à plusieurs reprises, la première fois en 2003, puis en 2013, et enfin, il y a tout juste deux ans de cela en 2018.
En 2003, c'est la première fois que je vais en Sicile, je visite Syracuse et je vois L’enterrement de Sainte Lucie, tableau « dont l’émotion coupe le souffle, à rester des heures devant », avais-je écrit le 20/08/2003. Depuis, puisque je suis resté fidèle tous les ans à l'île italienne, je vais régulièrement rendre visite à ce chef d’œuvre. Pour cela, il faut rejoindre l'église Santa-Lucia tout au fond de la place du Duomo, (parfois nous y fêtons mon anniversaire par la même occasion), le tableau se donne sans manière au centre de la nef.
Dix ans plus tard (note d’étonnements du 21/08/2013), je découvre, toujours en Sicile, les deux Caravage à Messine (La résurrection de Lazare et L’adoration des bergers). Ce même jour, il y avait pas très loin, à Tindari, dans le parc archéologique, une école de danse qui répétait et nous avions été frappé par l'harmonie des corps en mouvement, la même qui préside dans les toiles du peintre italien. Je dis « nous », car nous partageons ma folie Caravage avec un couple d'amis qui nous rejoint régulièrement en vacances. C'est d'ailleurs avec cet ami que j'irai au Louvre un après-midi, exprès pour admirer les deux toiles de ce peintre qui s'y trouvent (La diseuse de bonne aventure et La mort de la vierge).
Enfin, la dernière fois, il y a tout juste deux ans, avec toujours nos amis passionnés, nous avions prévu de longue date de nous retrouver au musée Jacquemart pour l'exposition « Caravage à Rome, amis et ennemis » avec dix œuvres rassemblées (note d’étonnements du 03/12/2018). Nous ignorions que les premières manifs des gilets jaunes viendraient perturber notre visite avec « d’un côté Judith tranchant la tête d’Holopherne, de l’autre la vague rumeur d’une manif qui tourne au vinaigre » avais-je écrit.
En complément des quelques photos publiées en Webcam pour cette même mise à jour de décembre où l'on voit quelques tableaux du musée Jacquemart sur fond de CRS et de rues dévastées, j'ai retrouvé dans mon portable un cliché du célèbre tableau Judith et Holopherne. que je n'avais pas retenu à cause de sa violence. Le détail sanglant que j'avais photographié est l'exact contraire du détail de ce même tableau choisi par Yannick Haenel (le beau visage de Judith) et qui marque le point de départ de son ouvrage La solitude Caravage (en Note de lecture).
Mais les détails que nous repérons, cette fragmentation n'est jamais qu'une vision subjective de spectateur, la mienne ou celle de Yannick Haenel, de même que s’appesantir sur un chapitre dans un roman ou dans un livre est juste une focalisation de lecteur, et ne restitue en aucune manière l'intention de l'auteur. S'il est plus difficile d'appréhender la totalité d'un livre et d'en donner un aperçu le plus exhaustif possible, il est en revanche plus facile de montrer la totalité d'un chef d’œuvre pictural, tel que le peintre l'a conçu. Ainsi, j'ai choisi de montrer en page d'accueil pour illustrer ma mise à jour, la totalité de L’enterrement de Sainte Lucie. La beauté de ce tableau se joue bien sûr dans ceux qui s'affairent au sol et racontent une histoire, mais aussi dans la moitié supérieure de la peinture où le mur nu et sobre s'élève sans aspérité, un peu comme dans les romans, lorsqu'une longue description, très belle, dénuée de toute intrigue, vient appuyer la rencontre et le dialogue des personnages. Le tableau, ainsi montré dans l'église de Syracuse, prend tout son sens et l'intention du peintre apparaît clairement lorsque le haut de la toile s’efface dans l'ombre de l'architecture qui lui est entièrement dévolue. De la même manière, un livre, dans son ensemble, est toujours tributaire d'un environnement plus vaste, existence de l'auteur, inscription au sein d'une œuvre en cours, circonstance de la publication, choix du dévoilement...
Ainsi ma folie Caravage se justifie-t-elle pleinement à cause de ces analogies entre peinture et littérature et ainsi, trouve sa place en rubrique Notes d'écriture.
(30/11/2020)

 


En 1940, Maurice Genevoix à cinquante ans. La France est défaite et, comme beaucoup, l'écrivain a rejoint le Sud de la France, moins touché par l'invasion allemande. C'est dans l'Aveyron qu'il rédigera ces « notes des temps humiliés », entre mai 1941 et novembre1942. A cette époque, Maurice Genevoix préfère écrire des romans inspirés par l'escapade canadienne qu'il a effectuée en 1939 pendant trois mois. Mais la défaite de la France, l'impression que le sacrifice de sa génération, « ceux de 14 », a été vain, la mise en place d'un gouvernement à la solde des allemands, le détourne de ses fictions bucoliques et il témoigne de ses humeurs dans un journal irrégulier.
Cependant, comme pour ses récits sur la Grande guerre, on est frappé par l'extrême lucidité de ses réflexions, par son humanité, mais aussi par son intransigeance envers ceux qui pactisent avec l'ennemi. L'assassinat de Marx Dormoy le révolte. Les écrivains français invités par Goebbels le répugnent : de Montherlant dont il a admiré « cette superbe d'hommes intelligents », « aujourd'hui, elle me dégoûte », affirme-t-il. A propos de Giono (dont j'ai visité récemment la maison à Manosque - voir Notes d'écriture et Webcam du 07/10/2020), il dit « Giono a prêché la non-résistance avec une générosité facile » avant de se « dégonfler lamentablement ». Maurice Genevoix n'épargne pas non plus les peintres qu'il appréciait autrefois comme De Vlaminck, devenu collaborateur. Peu de ses contemporains trouvent grâce à ses yeux et son pessimisme le pousse à voir dans beaucoup de partisans de la France Libre des gens qui agissent par intérêt personnel.
Les 18 mois de ses réflexions sur l'occupation s'interrompent brusquement fin 1942. Maurice Genevoix rencontre sa future épouse Suzanne et se détournera définitivement du malheur.
Ces notes resteront dans une enveloppe et Maurice Genevoix ne les fera jamais publier de son vivant. Sa fille Sylvie les fera dactylographier et ce sont ses petits enfants qui ont promu cette publication qui accompagne la biographie consacrée à l'écrivain (voir en notes de lecture la semaine précédente)
(23/11/2020)

 

C'est une note d'écriture du 30/05/2012, il y est écrit « En triant des papiers, j’ai retrouvé des vieilles photos, prises en mai 1997, un jour où j’avais osé aller frapper à la porte des Vernelles. Madame Genevoix m’avait parlé sur le pas de la porte, j’ai même gardé son numéro de téléphone, son adresse parisienne. Il n’y avait aucune biographie sur l’écrivain, je me proposais d’en écrire une, je n’avais ni publié, je ne connaissais personne dans le monde littéraire ou universitaire, j’ai vite abandonné. Ce ne sont pas les quelques photographies retrouvées (les berges de la Loire, le petit musée de Châteauneuf) qui m’ont le plus ému, j’en gardais encore un souvenir précis. Mais il y avait avec ce développement argentique (la photographie numérique venait à peine de démarrer) un photo-index sur lequel figure mes enfants, à l’époque, neuf ans et six ans et demi et que j’avais dû photographier, histoire de terminer la pellicule »
J'ai toujours la pochette avec les photos dans le tiroir de mon bureau. L'ombre les a conservées et je revois toujours avec la même émotion sur le photo-index les minuscules visages de mes enfants si jeunes alors. J'ai toujours, écrites de sa main, les coordonnées de Suzanne Genevoix. En ce printemps 1997, je ne sais plus quelle occasion m'avait embarqué dans les parages de la Loire, F de R n'existait pas encore et ne peut me servir de mémoire. Sans doute était-ce un déplacement de travail, peut-être une formation pas très loin, Nantes à l'époque comptait un institut de formation pour les télécommunications.
En revanche, quelques images me restent, la difficulté pour trouver les Vernelles dans le dédale des petits chemins qui aboutissent aux propriétés des bords de Loire. Je crois me souvenir d'un portail blanc, en bois, la Renault 19 que je possédais était vraisemblablement garée à proximité. J'avais dû sûrement hésité à sonner. Suzanne Genevoix était venue, nous avions parlé par-dessus la grille, la maison était légèrement en contrebas, me semble-t-il. J'avais dû bafouiller, mais être suffisamment persuasif pour obtenir ses coordonnées, y compris parisiennes. Je me souviens qu'elle était réticente à toute biographie, son œuvre parlait pour lui, m'avait-elle expliqué, ou alors il faudrait que ce soit quelqu'un de reconnu qui s'y colle. Je n'étais qu'un admirateur anonyme, je n'avais encore rien publié. Je n'ai jamais chercher à la contacter de nouveau, je me sentais démuni de toute méthode, par où commencer, et dire quoi ? Et puis je voulais écrire, comme lui ou comme René Fallet plutôt, je voulais copier le geste, mais pas recopier le modèle. La Réserve était sans doute déjà en cours, Central serait commencé bientôt : fin du désir de biographie de Genevoix.
Reste ce printemps 1997 sur les traces de l'écrivain, les photos attestent que je suis passé aussi à Châteauneuf, que j'ai su repérer le négoce familial (qui porte encore l'inscription « eaux de vie - vinaigres ») où il a passé ses premières années. Je me suis arrêté près du bassin qui lui est dédié vers une promenade qu'il affectionnait sur les bords du fleuve. J'ai photographié aussi la Loire et ses bancs de sable en face de sa maison. Peu de choses en fait me reviennent mais je garde l'impression d'avoir distillé des visions, des impressions pour tout ce qui s'est construit après.
(16/11/2020)

 

Je suis cité deux fois dans les mémoires d'Olivier Bétourné, La vie comme un livre (en note de lecture cette semaine).
La première, à la page 251, témoigne de mon arrivée chez Fayard, grâce à François Bon, qui « se fit passeur de jeunes talents ». Olivier Bétourné indique les livres que nous avons mis en chantier ensemble, Central en 2000, Composants en 2002, Paysage et portrait en pied de poule en 2004. Il précise aussi, concernant les « jeunes talents » que fit connaître François (Philippe Vasset et Sereine Berlottier y figurent aussi) que « la suite leur appartient désormais, mais ils auront eu clairement leur chance).
Clairement ma chance, oui : Central était né, suite à un échange de mails avec François Bon. A l'époque, j'encadrais des techniciens du téléphone, et, dans un message, j'avais raconté l'anecdote d'un dépannage particulièrement ardu suite à un accident de circulation qui avait endommagé des équipements. François m'avait répondu laconiquement : T'as plus qu'à en faire 150 pages... Cette phrase a été le début de tout, et d'abord de mes questions : Ainsi on pouvait faire un livre avec le travail ? Le quotidien ? Il y aurait assez de matière romanesque ? Je m'y étais mis et, quelques mois plus tard, j'avais ce texte incertain, dont je ne savais que faire, roman bancal, sans verbes conjugués. Effectivement, François m'avait conseillé de l'envoyer à Olivier Bétourné. Clairement ma chance : la réponse enthousiaste qu'il m'avait faite m'était apparue comme un rêve. J'avais signé un contrat pour trois livres, Central avait donc été publié et remarqué en tant que premier roman.
Fraîchement édité, j'ai dû penser que les livres suivants seraient faciles. J'avais ainsi entamé un second manuscrit, mais qu'Olivier Bétourné refusa. Le roman, qui s'intitulait Trottoirs et potagers, était mal ficelé. Je me souviens de ce qu'il m'avait dit : Vous prenez des chemins, et on s'aperçoit avec vous que ce sont des impasses. Il avait raison. Il m'avait laissé la possibilité de le réécrire, mais je m'étais abstenu, c'était trop mal engagé. Je m'étais tourné vers l'écriture d'une autre histoire qui deviendrait, Composants, deux ans plus tard. J'ai retrouvé un mail d'Olivier Bétourné d'avril 2002, alors que j'avais retravaillé le texte en suivant ses conseils. Il se déclarait « très satisfait du texte final ». Yun Sun Limet, qui était son assistante, avait pris le relais deux jours plus tard. Ce serait avec elle que je travaillerais le plus souvent et c'est vraiment avec sa collaboration que chaque texte serait mis au point, jusqu'à celui que je publierais grâce à elle. Grande tristesse cependant à évoquer Yun Sun, puisque j'ai appris très récemment sa disparition (note d'étonnement du 07/10/2020). Il est vraiment dommage qu'Olivier Bétourné ne la cite pas dans ses années passées chez Fayard, parce que c'est vraiment elle qui travaillait chaque projet jusqu'à l'édition.
Composants remporta la mention du Wepler. Je pouvais être satisfait, j'avais « clairement eu ma chance » : deux premiers livres en deux ans et un prix prometteur. Le suivant et dernier des trois livres de mon contrat initial suivrait deux ans plus tard, Paysage et portrait en pied de poule. En revanche, celui-ci passerait inaperçu, je m'en ouvrirais à Olivier et sa prompte réponse était destinée à me rassurer.
Le dernier livre que je lui ai envoyé était CV roman. J'ai retrouvé le mail de novembre 2004 que j'avais envoyé à la précieuse Yun Sun et dans lequel je lui demandais un tout premier avis. Elle a dû m'annoncer son départ de chez Fayard quelques mois plus tard. Nous resterions en contact pour un beau projet que nous avions échafaudé en commun, 1937, Paris-Guernica qui serait publié en 2007 chez Maren Sell.
CV roman, pour autant, avait été accepté chez Fayard, mais le texte était complexe à retravailler. J'ai élaboré une vingtaine de version entre 2004 et 2007. Entre temps, Olivier Bétourné quitta Fayard pour Albin Michel fin 2006. C'est Élisabeth Samama qui m'appela un jour du printemps 2007, en me signalant que CV roman était prévu pour septembre : j'avais oublié, pensé à tort que ce projet n'était plus d'actualité. L'explication figure dans la deuxième mention qui me concerne dans les mémoires d'Olivier : il précise que, dans les auteurs dont il avait la charge directe chez Fayard, certains s'en trouvèrent empêchés de le suivre à cause de leurs engagements contractuels : je figure dans cette liste.
J'ai revu Olivier Bétourné en 2015 au Seuil, par l'entremise d’Élisabeth, qui avait quitté à son tour Fayard (note d'écriture du 11/02/2015). La proposition de transfert était alléchante et Lydie Salvayre venait de remporter ici même le Goncourt. J'avais deux projets de livres, Journal de la canicule et La vie prolongée d'Arthur Rimbaud. Mais les délais de publications que me proposait Olivier Bétourné s'étalaient sur trop longtemps, je n'ai pas donné suite, peut-être ai-je fait une erreur ?
(11/11/2020)

 

 

On le sentait venir bien sûr. Les taux d'infection du Coronavirus ont décuplé depuis 2 mois et le nombre de décès par jour est égal à celui de fin mars, ce qui laisse présager des heures sombres, d'autant que nous avons appris à vivre avec le virus, à porter le masque, mais surtout à considérer toutes ces contraintes comme une habitude alors qu'il faudrait encore plus intensifier notre protection, notamment avec nos proches et nos amis habituels. Le retour de ce confinement est moins astreignant, la plupart des entreprises continuent à œuvrer, en télétravail ou pas, avec l'inégalité entre ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas (ceci dit, l'imbécillité vient parfois d'où on ne l'attend pas : entendu dans un magasin qui a le droit d'ouvrir : Alors vous travaillez ? Oui, malheureusement, répondit l'employé...)
Du coup, vagues d'annulations en tous genres, spectacles ou visites auxquels je devais aller, une réunion associative que j'organise avec Zoom plutôt qu'en présentiel. Un moindre mal : côté écriture, les salons d'automne étaient terminés, du moins ceux qui avaient pu viser dans la période où le virus circulait encore modérément ; Saint-Étienne, prévu mi-octobre, a déclaré forfait. Dans la librairie de ma ville où mon livre s'est bien vendu (une trentaine d'exemplaires, m'a dit la libraire !), nous avions prévu ce samedi une rencontre en prenant toutes les précautions nécessaires, mais bien sûr, c'est annulé. J'attends des nouvelles de Dijon, où je dois participer à une table ronde à l'Université de Bourgogne à la fin du mois, mais dors et déjà le repas que nous avions prévu avec l'un de mes directeurs de thèse ne pourra avoir lieu. Restent quelques rendez-vous en décembre, encore bien incertains.
En dernier lieu, j'ai quand même pu participer à la rentrée littéraire d'automne pour Yougoslave. Ultimes feux : quelques articles de dernières minutes dont la parution de mon interview au Courrier des Balkans et l'émission " Salle des machines ", enregistrée avec Mathias Enard quinze jours auparavant, est passé sur France Culture, ce dimanche 1er Novembre. La crise n'aura pas permis hélas à mon livre de se déployer du côté des librairies et ce sera encore plus le cas maintenant.
Mais il est temps déjà de se tourner vers l'avenir, c'est beaucoup moins stressant que ce présent plombant. En projet, une pièce de théâtre (si, si, la première...) qui sera répétée et mise au point dans un an. Et puis je dois élaborer une suite à mon premier roman, La réserve. A l'annonce du second confinement, j'avais pensé aussi écrire un retour de Sur Ivan Oroc, mon roman élaboré pendant la première claustration, mais, à la réflexion, la vie quasi-normale n'offre plus les caractéristiques romanesques qu'au printemps dernier. A signaler cependant que la webradio L'aiRNu, dans laquelle j'avais été heureux d'insérer ma fiction, fourmille encore de projets. Voyez Nos îles numériques, vaste chantier qui durera jusqu'en janvier et qui interroge notre rapport au numérique et la connexion. Et répondez à l'enquête en cours, comme je l'ai fait pour le premier épisode avec " Les pingouins de Montréal " et comme je vais continuer à le faire, tant nous n'interrogeons jamais assez l'histoire de nos pratiques d'Internet.
(04/11/2020)

 

 

 

Dernier salon du livre pour moi en période Covid, voici Le Mans. Normalement j'aurais dû participer la semaine d'après à la Fête du livre à Saint-Étienne, mais elle est annulée, ou tout du moins reportée dans des temps incertains. Incertaine aussi a été ma planification. Je serai bien allé au Mans en train, mais ma participation à un colloque à Reims la veille, plus deux rendez-vous le lundi, ont rendu mes déplacements ferroviaires complexes et comme les billets ne sont plus valables que pour un jour précis, histoire d'ajouter à la souplesse navrante de la SNCF, la solution d'un voyage en voiture était la plus pratique.
En revanche, Le Mans pour se garer est facile, surtout quand on bénéficie d'une organisation sans faille de la part de la 25éme heure du livre, cette année réduite à un samedi du livre. Repas réservé pour midi, inévitables (et excellentes) rillettes du Mans, j'en profite pour relire rapidement les livres des deux auteurs avec qui je vais débattre l'après-midi, Diane Meur (Sous le soleil des hommes, éditions Sabine Wespieser) et Timothée Demeillers (Demain la brume, éditions Asphalte). La rencontre, animée par Bernard Magnier, réunit peu de monde mais le courant passe bien entre nous. Les dédicaces se réduisent à une portion congrue, quelques rares échanges tandis que la salle se remplit à nouveau pour un autre débat avec d'autres écrivains qui vont nous succéder.
Bien sûr, l'édition 2020 n'a rien à voir avec celles auxquelles j'avais déjà participé ici en 2010 et 2012. A l'image de Nancy, il y avait un grand chapiteau, du monde (des mondanités) des rencontres (note d'écriture du 29/10/2010), mais enfin cette manifestation, même réduite, le mérite d'exister.
J'ai ainsi du temps pour me promener cette année, Le Mans est une ville propre, où du moins qui tente de se donner un air coquet à son centre-ville à la page, avec boutiques de luxe, animations, architecture design, tramway. La gare TGV, en revanche, là où se trouve mon hôtel et ma chambre au dernier et huitième étage, est plus isolée. Les brasseries sont à vendre, les restaurants fermés. Quelques modestes Kebab encore ouverts ne parviennent pas à sauver la situation désolante de ce quartier. Avec si peu d'activité le couvre feu prend ici quelques jours d'avance. Le lendemain, 10 km de course à pied le long de la Sarthe avant de repartir, histoire de saluer le dernier salon de la saison en période Covid.
(15/10/2020)

 

Deuxième épisode des salons du livre en période Covid : après Nancy et Besançon, voici Manosque et Reims (en Webcam également).
J'avais déjà participé aux Correspondances de Manosque il y a dix ans pour la parution de Retour aux mots sauvages. Je gardais de cette manifestation un excellent souvenir (note d'écriture du 29/09/2010), quelque chose de particulier aussi, où les écrivains ne sont pas retranchés derrière leurs tables, mais parcourent la ville, se rencontrent. Grande joie donc lorsqu' Evelyn Prawidlo a eu la bonne idée de m'inviter cette année pour évoquer Yougoslave avec Michel Abescat, qui m'avait déjà interviewé dix ans auparavant. J'ai eu la chance de bénéficier des dernières journées de soleil avant les pluies durables qui ont envahi le pays. Je suis arrivé assez tard la veille, du moins suffisamment tard dans un bel hôtel situé dans les collines, suffisamment loin aussi pour ne pas avoir envie de retourner dans la ville pour y dîner. Et puis je prévoyais d'aller courir dans la campagne tôt le matin, ce que je n'avais pas fait la première fois, et que j'ai accompli dès le réveil : 7 km et 200 m de dénivelé en courant pour aller jusqu'à la maison de la biodiversité, autant dire que ça monte et ça descend, mais ça garde en forme.
Le restant de la journée a été aussi sportif puisque je m'étais inscrit pour visiter la maison de Giono en début d'après-midi et que j'ai eu le temps juste avant de grimper jusqu'à la tour du Mont d'Or qui domine la ville et qui était une des promenades favorites de l'écrivain. Je me souviens être allé sur les traces de la maison de Giono il y a dix ans, mais je n'avais pas trouvé la demeure dans ce faubourg haut perché où les sentiers se perdent dans les jardins.
Grâce à la fille de l'écrivain qui habite encore sur place, la maison a gardé l'aspect qu'elle avait du temps de Giono. Le jardin domine la ville et la demeure domine le jardin. Au fur et à mesure des agrandissements ou au gré de ses envies, Jean Giono a jeté son dévolu sur cinq bureaux pour accomplir son œuvre. On y trouve ses pipes, ses plumes et ses buvards, encore marqués de son encre.
Ainsi, grande respiration et moment de sérénité avant de retourner en ville pour ma rencontre. Juste avant je suis interviewé par la librairie Mollat qui s'est fait une spécialité de filmer des entretiens d'auteurs. Et puis commence la rencontre, je suis seul pendant une heure, la place me paraît bien remplie à mon grand étonnement, peut-être deux cents personnes devant moi, tous masqués. Heureusement, pas le temps de stresser, je suis amicalement questionné par Michel, et, à la séance de dédicaces, les livres manqueront, de telle manière que je signerai des cartes postales, histoire de contenter ceux qui n'ont pu acquérir le roman.
La suite a été tout aussi joyeuse, j'ai eu le plaisir de rencontrer Katy de chez Fayard qui accompagnait Nicole Bertold, qui veille sur l'œuvre de Boris Vian. Nous avons assisté ensemble à la lecture par François Morel des extraits de la correspondance de Vian, réunie et choisie, justement, par Nicole.
Le lundi suivant, à Reims, tous les participants étaient également masqués dans le bel amphi de la médiathèque Falala. Il s'agissait cette fois-ci d'une rencontre professionnelle concernant tous les acteurs du livre, comme on dit, de la région Grand Est. Et j'étais là encore pour évoquer Yougoslave, cette fois-ci interrogé par Christine Ferniot, qui est journaliste à Télérama, comme Michel Abescat. J'ai retrouvé avec plaisir Francis Zahn, qui m'avait reçu plusieurs fois avec beaucoup de chaleur dans sa librairie chaumontaise. La dernière fois, c'était juste avant qu'il ne raccroche, début 2017, lors d'un reportage de France 3 sur La réserve, mon premier bouquin (note d'écriture du 10/01/2017). Et justement, parce que le hasard et les rencontres font bien les choses, son fils Laurent vient de reprendre sous l'intitulé Liralest la maison d'édition paternelle Le Pythagore, mais aussi le fonds Dominique Guéniot, là où La réserve avait été publié. Nous avons évoqué avec enthousiasme ensemble la question d'une réédition et d'un prolongement à mon livre... A suivre !
(07/10/2020)

 

 

Organiser un salon du livre en période Covid est un sacré exercice pour les structures culturelles habituées à ces manifestations annuelles. Certains tentent de garder une configuration quasi normale (La 25ème heure du livre au Mans, les correspondances de Manosque, la fête du livre à Saint-Étienne) avant d'annuler et de reporter comme pour la municipalité stéphanoise ; d'autres essaient d'adapter leur organisation sur plusieurs week-end comme à Nancy (le livre sur la place) ou à Besançon (le livre dans la boucle). J'ai ainsi participé à ces deux salons - à Manosque aussi et, la même semaine, à deux rendez vous littéraire à Reims et à Chaumont (le calendrier se bouscule) : articles à venir la semaine prochaine pour ces trois dernières rencontres.
En ce qui concerne Nancy et Besançon, d'abord Nancy ouvre le bal avec une rencontre organisée dimanche 13 septembre pour deux autres auteurs et moi-même, les eux autres écrivains étant et Laurent Petitmangin ("Ce qu'il faut de nuit", La Manufacture de livres) et Arnaud Dudek ("On fait parfois des vagues", Anne Carrière). Le thème était dévolu à " construire son identité sur les ruines du passé, composer son avenir avec l'héritage familial, trouver sa place dans le monde ", une heure donc pour discuter ensemble sous la houlette professionnelle et efficace de Sarah Polacci, animatrice à France Bleu. La rencontre à été enregistrée, c'est bien en ces temps de Covid où on hésite à se déplacer. D'ailleurs, l'ambiance était un peu tristounette sur la place Ducale en l'absence du grand chapiteau où lecteurs et auteurs se bousculent d'ordinaire. Une rapide signature a suivi la rencontre, chacun retranché derrière une vitre, pour signer quelques livres aimablement apportés par la librairie. Tout cela bien sûr avait un goût de trop peu, mais enfin, la manifestation avait le mérite d'avoir été maintenue avec un nombre d'écrivains conséquent.
Le week-end suivant " Le Livre dans la boucle " de Besançon avait un durée plus appropriée aux échanges, deux jours mis à profit pour s'installer derrière un stand en attendant la rencontre organisée le samedi avec avec Emmanuel Ruben pour " Sabre " (Stock) (en Note de lecture cette semaine) et Fiston Mwanza Mujila pour " La Danse du Vilain "(Métailié). Le thème cette fois-ci était différent de Nancy, les auteurs (nous) ayant " le génie de raconter des histoires,pleines de tumulte, qui nous font parcourir le vaste monde... ". Comme quoi, les thèmes et les associations des rencontres sont variables... Hubert Artus a animé la séance qui, hélas, s'est terminée sans que l'on puisse dédicacer la suite des ouvrages, le musée des Beaux-arts où nos livres étaient installés étant fermé...
Le lendemain, donc, retour au musée (après avoir couru tôt le matin le long du Doubs et fait un détour au musée du temps pour visiter l'expo sur la famille horlogère de Tomi Ungerer) pour retrouver l'espace où nous trois étions regroupés, trois tables installées dans un environnement de peinture (un très beau Saint Sébastien derrière moi qui rappelait le style de Caravage et devant moi une nature morte représentant un unique et austère légume - voir en Webcam). Très bon dimanche cependant (peut être dû aux journées du patrimoine) et j'ai pu signer une quinzaine d'ouvrages (ce qui représente plus que ma quantité habituelle). Les échanges avec les lecteurs étaient plein de sollicitude de part et d'autre, chacun, derrière son masque, se sentant comme une sorte de résistant à la morosité de la pandémie. Bref un très bon salon où j'ai retrouvé Muriel Barbery (" Une rose seule ", Actes Sud), découvert la très jeune Juliette Adam (" Tout va me manquer ", Fayard) et j'ai enfin eu l'occasion de rencontrer Emmanuel Ruben que j'admire à plus d'un titre, d'abord pour son excellent récit " Sur la route du Danube " et puis en tant que directeur de la maison Julien Gracq à Saint-Florent-le-Vieil (devenu Mauges-sur-Loire).
(30/09/2020)

 

 

Il y a plusieurs semaines, j'avais découpé un entrefilet dans mon journal qui annonçait que le roman " les Dix petits nègres " d'Agatha Christie étaient devenu " Ils étaient dix " afin de retirer le mot " nègre " et ne blesser personne. Cela m'a fait réfléchir, moi qui ai écrit un livre intitulé Faux nègres. Je comptais ainsi évoquer cette anecdote dans Feuilles de route, mais c'était sans compter que Sarkozy réagirait avant moi.
Le trublion l'a fait de sa manière habituelle, agitant le bocal, dodelinant de la tête, se demandant si le mot " singe " était autorisé puisque " nègre " ne l'était plus. C'est cet amalgame des deux termes qui choque autant, sinon plus que sa déclaration de " petit blanc " bien pensant.
La question en revanche du remplacement du mot " nègre " dans le livre d'Agatha Christie pose question. Il paraît que l'auteure elle-même avait émis le souhait d'un changement de nom pour son roman le plus célèbre. Soit. La connotation du mot " nègre "n'est plus la même de nos jours et on peut comprendre que des lecteurs soient perturbés par le titre, le changement de titre ne me gène pas le moins du monde et je suis même si cela présente un intérêt, une volonté de ne pas choquer. Seulement, en effaçant le mot, on prend de risque d'en oublier l'origine à long terme et surtout de passer sous silence son étymologie et la connotation désormais raciste du terme. Or la littérature, c'est tout sauf du silence.
C'est probablement parce que je tiens en haute estime la littérature et sa capacité de réflexion que j'ai choisi de nommer mon roman paru en 2014 Faux nègres. C'est l'histoire d'un journaliste d'occasion, un type que le hasard envoie enquêter dans le petit village français qui vote le plus FN. D'où le titre Faux nègres, dont les initiales forment FN, et parce qu'il est question souvent de Rimbaud dans ce texte, " faux nègres " est aussi emprunté à Une saison en enfer (" Vous êtes de faux nègres, vous maniaques, féroces, avares. Marchand, tu es nègre ; magistrat, tu es nègre ; général, tu es nègre ; empereur, vieille démangeaison, tu es nègre : tu as bu d'une liqueur non taxée, de la fabrique de Satan "). Ainsi, le mot " nègre " répété à satiété par Rimbaud dans un sens, à l'époque, issu du colonialisme. Car, oui, désolé de remettre les récents déboulonnages des statues de ceux qui ont trempé dans le colonialisme, il faudrait aussi retirer le buste de l'éthiopien Rimbaud dans le jardin de la gare de Charleville, retirer de nos manuels les pages consacrées à Flaubert qui partit s'esbaudir sans vergogne dans les bordels égyptiens, évincer Albert Camus et son Algérie, abandonner Marguerite Duras, née en Indochine.
Pour en revenir à Faux nègres et l'allusion au FN, je trouvais plutôt marrant de donner le mot " nègre " pour qualifier les tenants d'un parti ouvertement raciste et surtout, parce qu'un titre n'a jamais un seul sens, le mot " nègre " en littérature désigne celui qui écrit pour autrui, retour évident à mon personnage principal, journaliste d'opérette, faux nègre qui aspire à la fin à devenir un vrai écrivain.
Le mot " nègre " dans mon livre est cité 36 fois, presque toujours pour l'expliciter, le décliner à travers Rimbaud, Cendrars ou Claude Simon :
" Combinaisons, arrangements, permutations, disait Claude Simon, en appuyant sur l'importance de la description, représentation, image, métaphore, ce que l'on voit, entend, sent, écoute, touche, interprète. Ce que l'on mesure à la force des mots, comment ils résistent, se courbent, s'assemblent. Mots choisis, qui nous conviennent, mais ne contiennent que notre propre vérité. Mots évités, tabous, déjoués, enfuis, escamotés, défendus. Les mots, la grande affaire de notre vie. Il existait un roman, un ersatz de Flaubert écrit par un faux nègre, un substitut de Rimbaud sur des copeaux de poésie. Il ne reste rien qu'un petit tas de signes, une bouteille à la mer, jetons-la et qu'elle s'égare dans les courants, coule ou surnage, aucune importance, seul compte le vaste mouvement des mots qui circulent, se perdent, réapparaissent et glissent. Plus la peine d'en rajouter, il existait un roman et l'histoire touche à sa fin, passé, présent se rejoignent au bout de dix-huit mois. Passé : Comme je descendais des fleuves impassibles. Présent : A la fin tu es las de ce monde ancien. Rimbaud et Apollinaire comme de faibles fanaux sur des flots incertains. Verbes du monde : ils font, ils prennent, ils manigancent, ils sont la politique et la politique ne se termine jamais. " (Faux nègres, p 408-409).
(18/09/2020)

 

 

20 ans de Feuilles de route, vous l'avez compris, c'est aussi 20 ans de publications.
Et même un peu plus, car des deux livres parus en cette année 2000, le roman La réserve, a été " achevé d'imprimer le 26 avril " par l'éditeur de ma ville natale Dominique Gueniot. Je me souviens avoir participé quelques jours plus tard à un Salon du Livre dans cette même cité, avec ma mère qui dressait les piles de mon ouvrage avec le même soin que lorsqu'elle présentait les gâteaux de la boulangerie dans laquelle elle travaillait encore quelques années auparavant. Les tractations éditoriales ont fait que six mois plus tard, Central a été publié chez Fayard, sous la houlette d'Olivier Betourné. Ces deux premiers livres étaient encore vendus en francs : 120 pour La réserve et 98 pour Central. Le livre suivant Composants édité deux ans plus tard sera proposé à 17 euros.
En 2000, donc, tout fier de mon site Internet, j'ai inauguré une page par livre paru, dans laquelle je recensais les critiques parues, les indications qui avaient prévalu pour l'élaboration de chaque livre étaient absents de mon jeune site tout neuf. A noter que j'ai rajouté à ces pages des éléments pour La réserve en 2017 (le roman d'anticipation se passe en 2017 et France 3 est venu faire un reportage pour savoir ce qui s'était réalisé dans cet farce futuriste), et j'ai complété la page de Central par une visite effectuée en 2005 grâce à Stéphane Gatti.
Je considère Composants, donc, après les deux publications coup sur coup en 2000, comme mon véritable deuxième roman. L'accouchement d'un deuxième roman est toujours difficile. La légende raconte que le célèbre patron des éditions de Minuit, Jérôme Lindon, refusait systématiquement les seconds galops d'écriture. Composants n'a pas échappé à la règle : il s'agit en réalité d'un troisième récit, le véritable deuxième ayant été retoqué par Olivier Bétourné (à raison, c'était une histoire alambiquée mêlant les sous-sols de Pompéi et nommé Trottoirs et potagers). Composants a eu un succès d'estime en remportant la mention du prix Wepler en 2002, et c'est le grand écrivain belge Marcel Moreau (décédé en avril dernier du coronavirus) qui avait eu le prix. Côté Feuilles de route, j'avais pu rendre compte dans la page dévolue au livre de quelques " éléments, remarques, notes et interrogations " propres à l'élaboration du livre et désormais il en sera toujours ainsi, je reste fidèle à l'idée initiale de la " tentative d'exposition du travail littéraire à la vue de tous " .
En 2004, nouveau livre : Paysage et portait en pied de poule. Certains croient à tort que je ne relate plus le monde du travail (virage à 180°, lisait-on dans Le Matricule des anges) parce que j'ai quitté le monde urbain. Je reçois dans cette campagne que je décris et que je connais bien, l'inestimable hommage de Jean Robinet qui a tenu à venir me saluer dans une librairie de Langres en prenant sa voiture à 90 ans.
Début 2004, je me passionne conjointement pour Picasso et les années Trente, j'écris un premier jet de 1937 Paris-Guernica, publié plus tard en mars 2007 chez Maren Sell qui met la clé sous la porte peu après (je n'y suis pour rien). Mais en même temps j'ai entrepris CV roman, retour à l'écriture du travail où mon nouveau job dans les ressources humaines me fait manier des centaines de CV. Si le projet me paraît digne d'intérêt, l'écriture est complexe et je remanie sans cesse le livre.
Cela fait ainsi plusieurs années que j'écris sans trêve et je ne sais plus trop où j'en suis. De plus, Olivier Bétourné quitte Fayard, me voici ainsi dans une attente difficile à tenir. Période de doutes donc, y compris perso, résultat : six mois sans dessus dessous. Ça se termine par ma décision d'engager des études de lettres, sans trop d'illusions au départ, je demande une disponibilité de deux fois six mois sur deux ans, je profite de ce temps libre pour animer des ateliers d'écriture, lycée professionnel, centre hospitalier spécialisé, de quoi me redonner confiance, d'autant plus qu'en 2007 débarque chez Fayard Élisabeth Samama qui publie enfin CV roman à l'automne.
Me voici à nouveau en selle, et, contre toute attente, mes études de lettres se passent bien, je passe ma licence au même moment et décide de continuer en Master.
Le seuil recueil de nouvelles que j'ai écrit, Bestiaire domestique, paraît en mars 2009, c'est pour moi un livre de retour au bonheur ou plutôt de sérénité, même si, quelques mois plus tard, les suicides médiatisés de mon entreprise viennent entacher le nouveau livre que j'ai entrepris d'écrire sur le métier des téléopérateurs. Je le termine néanmoins en 2010 en y mêlant ce traumatisme professionnel et collectif. Retour aux mots sauvages rencontre un plus grand succès que mes sept livres précédent, Olivier Nora, devenu patron de Grasset et Fayard le pousse en avant et il est sélectionné au Goncourt. J'entre ainsi, à cinquante deux ans, dans la catégorie des jeunes auteurs inconnus et prometteurs... Ils désertent, qui le suit deux ans plus tard se retrouve encore sur la liste du Goncourt, remporte le prix Amila Mecker et le prix populiste renommé prix Eugène Dabit tout comme Sartre et René Fallet.
Faux nègres, paru en 2014, dont le titre est emprunté à Rimbaud et qui est un pamphlet contre le FN, demeure à l'écart des prix, ce n'est pas plus mal. En parlant de Rimbaud, il faut quand même que je lui règle son compte, j'en parle dans presque tous mes livres. Je propose ainsi un double projet à ma maison d'édition qui est maintenant chapeautée par Sophie de Closets : paraissent donc Journal de la canicule, en octobre 2015, qui est un texte commencé en 2008 et repris (rien avoir avec Rimbaud), et surtout Vie prolongée d'Arthur Rimbaud en septembre 2016. J'en profite pour souffler un peu côté écriture mais pas du côté des études qui se sont poursuivies et je finis par passer une thèse de doctorat fin 2017.
Histoire de renouer au plus vite avec le roman, j'écris très vite Il se pourrait qu'un jour je disparaisse sans trace qui paraît en janvier 2019. Je suis déjà à cette époque dans la rédaction de ma vaste saga paternelle Yougoslave : la suite est actuelle et à suivre puisque le livre est tout juste paru. Cela fait donc 14 romans en 20 ans d'écriture, tous sont répertorié sur le bandeau de gauche de Feuilles de route.
Cependant je serais incomplet si je ne mentionnais pas les autres ouvrages auxquels j'ai participé, deux nouvelles dans la collection Inventaire Invention en 2001, le recueil collectif 52 écrivains haut-marnais dont j'ai codirigé la parution en 2002 avec Gil Melison, ma contribution au beau livre 100 monuments 100 écrivains en 2009 et enfin, au fil des rencontres amicales, j'ai partagé avec plaisir l'écriture d'Autour de Franck avec Anne Savelli au sujet de son très beau roman Franck en 2011 et, avec l'ami Alain Delatour, en 2016, le projet Instants handball s'est multiplié en ateliers d'écriture, rencontres et expositions dans un véritable world tour. Une suite (Instants cuisine) s'annonce également.
Ainsi voilà le panorama de 20 ans d'écriture, l'article était long forcément. Les liens avec Feuilles de route y sont étroits. Certains textes sont publiés exclusivement sur mon site comme mes carnets de voyages, ou Langres s'use que j'ai écrit en 2004. On les trouve en bas du bandeau de gauche en cliquant sur la mention "Pages spéciales". Dernièrement le confinement m'a inspiré un roman Sur Ivan Oroc dont une version audio est également proposée sur L'aiRNu.
Au final " écrire pourquoi " (comme le demandait l'ouvrage auquel j'ai participé pour la création des éditions Argol en 2005), écrire pourquoi donc : pour tout cela, pour cette matière impalpable faite de feuilles de papier ou de signes numériques. Et " Bon qu'à ça ", comme répondait Beckett.
(13/09/2020)

 

 

Côté écriture, peu de choses en cette fin d'été, sinon suivre les débuts de la parution de Yougoslave. L'actualité en ce moment est plus tournée vers les prolongements de la pandémie et ses conséquences, et le côté culturel passe à la trappe.
Néanmoins, les divers salons du livre de la rentrée se tiennent quand même, souvent avec des modifications. Par exemple, à Nancy, il n'y aura pas le grand chapiteau où s'entassent public et auteurs, mais une série de petites conférences que l'on doit réserver à l'avance : j'interviens ainsi avec d'autres écrivains le dimanche 13/09 à 14h.
Idem pour Besançon le samedi 19/09 à 18h où la manifestation habituelle se répartira sur trois week-ends à la place d'un seul habituellement.
Le salon du Mans où je serai aussi le samedi 10 octobre à 14h, maintient des rencontres mais reporte la manifestation en 2021.
La fête du livre de Saint-Etienne, où je participerai également, semble s'organiser comme les autres années du 16 au 18 octobre, et je retrouverai avec plaisir Manosque où je serai interviewé par Michel Abescat le jeudi 24/09 à 18h, comme lors de ma précédente participation dix ans auparavant. Grande joie aussi d'intervenir dans ma région auprès des bibliothécaires lors d'une réunion de rentrée le 28 septembre à Reims.
Côté presse, des articles paraissent et une grande partie du Mag du Journal de la Haute-Marne m'a été consacrée dimanche dernier, ce qui intéresse en premier lieu mes voisins et connaissances. Le Net, désormais incontournable fournit beaucoup d'avis, comme par exemple sur Babelio ou sur les sites des lecteurs ou des librairies. Et puis, juste avant de boucler cette mise à jour, je découvre un très beau papier deJean-Claude Lebrun, paru ce jour dans L'Humanité. On peut consulter ces articles via la page "Yougoslave, presse".
Tout cela n'est pas fini, c'est donc à suivre.
(03/09/2020)

 

 

Bien sûr, la question qu'Anne résume superbement par le nom désormais communément admis d'oloé (où lire, où écrire) ne fait pas tout (en Notes de lecture, cette semaine). " Où ", et la notion de lieu vient en premier nous interroger, surtout quand on habite en ville, dans un appartement exigu occupé par plusieurs. " Où " donc, se réfugier pour lire et/ou écrire... Pour moi qui suis un provincial habitant une maison avec jardin, le " où " est souvent multiple et secondaire presque : lire peut être sur une chaise longue, dans un lit, un fauteuil, un canapé, une chaise, autant d'endroits tranquilles et loin de la circulation. Pareillement, les vacances que j'affectionne sont au calme, banc de pierre sous l'olivier en Sicile, chaise longue sur une terrasse, plage sur une serviette ou pieds dans les vagues et livre tenu debout dos au soleil. Écrire requiert plus de logistique, ordinateur ou à défaut tablette, voire très rarement un carnet, une feuille. En revanche, autant on peut lire avec du bruit autour de soi, jeux de plein air, murmures de conversations, autant écrire nécessite une plus grande concentration lorsque les phrases que vous composez résonnent dans la boîte crânienne. Le " où " est ainsi généralement sur mon bureau à la maison (là même où j'écris cette chronique), en Sicile sur une table à l'extérieur et ailleurs, selon l'occasion, dans une chambre d'hôtel, un compartiment de train, un café...
En réalité, ce qui me préoccupe en ce moment n'est pas l'oloé mais plutôt le " qlqé ", le " quoi lire, quoi écrire ". Quoi lire ? Je lis beaucoup en ce moment, des classiques en Pléiades longs comme Anna Karénine ou ceux de Kessel, des romans contemporains courts comme le dernier Muriel Barbery, Une rose seule (note de lecture à venir) dont l'oloé fut la spiaggia di Fiumefreddo cet été. A la maison, sous ma table de nuit, dans mon bureau s'entassent des livres terminés (Pardon pour l'Amérique, de Philippe Rahmy), des ouvrages en cours (Là où se mêlent les eaux, de laurent Geslin et Jean-Arnault Dérens ou L'autofictif ultraconfidentiel d'Eric Chevillard). Tout cela n'a pas été encore relaté et c'est sans compter tout ce que j'ai parcouru via ma liseuse, très pratique pour un minimum d'encombrement et pour lire la nuit sans réveiller l'autre. Bref, venant de terminer un autre roman (Olivier Adam, Une partie de badminton), je me demande justement non pas " où lire ", mais " quoi lire " maintenant.
Idem pour écrire, c'est " quoi écrire " qui me taraude. Aucune inquiétude ni aucun manque cependant, l'écriture au long cours de Yougoslave s'est poursuivie pendant presque deux ans jusqu'au printemps et l'inattendu roman de confinement Sur Ivan Oroc a suivi jusqu'en mai. Il est normal que je me repose et qu'aucune nouvelle envie ne me chatouille pour l'instant. Et puis la disparition de mon père, voici déjà deux mois et demi, ajoute à ce besoin d'une pause. Mon seul désir au seuil de cette rentrée littéraire est de vivre pleinement la sortie de Yougoslave, même si l'épidémie et son évolution vont minimiser les rencontres.
(27/08/2020)

 

 

Aujourd'hui même, ce 19 août, paraît Yougoslave. Ce qui veut dire que les barrières sont déjà prêtes pour guider les nombreux acheteurs de mon livre aux seuils des boutiques (merci de respecter la distance entre les marques au sol, le port du masque et le gel hydro alcoolique). Les cartons sont fébrilement ouverts par mes amis libraires, les emplacements où s'érigeront les piles de mon roman sont déjà réservés. Les entrepôts des officines en ligne ont fait le plein, ont apporté mon ouvrage par palettes entières, tandis que les gyrophares des chariots élévateurs éclairaient gaiement ces scènes de liesse.
Quant à moi, je reste serein, j'aborde un air faussement détaché de ces contingences commerciales alors qu'en réalité je bous d'impatience et tente de recenser quelques éclats de notoriété sur le Net. La semaine dernière, Le Monde avait consacré un article pour la rentrée littéraire et m'avait classé dans la rubrique " parmi les auteurs au lectorat les plus fervents ". Et ce jour, Sylvie, de la Fnac de Nice, a fait de Yougoslave son " coup de cœur " et je ne manque pas d'écrire son commentaire élogieux dans la page dédiée à la presse et aux médias, tandis que je recense aussi un article de Rodolphe dans le Salon littéraire sous le titre énigmatique de Yougoslave, kezako ? D'ici une heure le Journal de la Haute-Marne va m'appeler pour une interview par téléphone. Voilà, c'est parti.
(19/08/2020)

 

 

Comme à chaque parution, j'ai élaboré un dossier pour le nouveau livre à paraître dans tout juste une semaine, le 19 août. Et comme d'habitude, le dossier sera accessible sur la marge de gauche, ainsi qu'en tête de l'index, comme une actualité nouvelle. Selon mes traditionnelles lubies, le dossier comporte les articles de presse, les recensions de sites web et les réactions médiatiques à la parution, qui ont d'ailleurs commencé avant, avec un beau papier dans le Livre-Hebdo du 3 juillet, sous la plume de Sean J. Rose. On trouvera aussi l'histoire du livre, commencé deux ans auparavant sous le nom de code Y, avant que le titre ne soit dévoilé pour la publication. Les notes d'écriture retracent ainsi depuis 2018 l'avancée et les inévitables questionnements liés à ce vaste projet. Cependant, en supplément à ce dossier, j'ai ajouté une partie "documents", qui reprend une partie d'archives personnelles et de quelques éléments de généalogie qui ont été nécessaires pour écrire cette fresque familiale.
Je me fais l'effet ainsi d'être Claude Simon, lorsque l'éminent prix Nobel de littérature en 1985, faisait part de quelques trop rares éléments photographiques après la rédaction de ses splendides romans toujours inspirés par sa vie propre.
(12/08/2020)

 

J'ai découvert le livre de Benoît Coquart, Ceux qui restent, à la faveur d'une interview qu'il a donnée au magazine du Journal de la Haute-Marne (le JHM pour les habitués). D'emblée, la première phrase de cet entretien m'a donné envie de le lire : " Tout l'objet de mon livre est d'expliquer à ceux qui ne la comprennent pas qu'il est possible de vivre de manière honorable dans des campagnes frappées par un déclin économique " Et d'ailleurs le sous-titre de Ceux qui restent, publié en octobre dernier aux éditions La Découverte, annonce " faire sa vie dans les campagnes en déclin ". Je me suis procuré le livre et les hasards du confinement ont fait que je l'ai réellement lu ce printemps dans ma campagne en déclin. Benoît Coquard est sociologue à l'INRA, et si son origine provinciale, et même locale, n'est pas mentionnée de prime abord, on découvre dans ses enquêtes de terrain, combien il est à même, par son lieu de naissance et d'enfance, de comprendre les enjeux de ces milieux ruraux et des classes populaires qui s'y rapportent. Beaucoup de ceux qu'il a rencontrés et qui ont " fait leur vie " ici, se sont livrés parfois avec scepticisme quant à l'intérêt qu'il y a de parler de " ceux qui n'intéressent personne ". Sur fond économique de désindustrialisation, de perspectives marginales, les jeunes actifs qui ont choisi de demeurer sur place occupent pour la plupart des emplois locaux dans des PME, chez des artisans, dans le bâtiment, ou dans le vaste fourre-tout des " services à la personne ". Milieux populaires donc, études souvent écourtées, soit par impératif économique, soit parce que les familles ne possédaient pas les codes et les usages pour faire entreprendre à leur progéniture des études supérieures. L'étude de Benoît Coquard est précise. Elle n'apprend pas grand-chose de nouveau à que ce que les habitants perçoivent au quotidien, mais il est important que les évidences pressenties soient dites, marquées noir sur blanc.
Pour ma part, j'ai tout de même appris beaucoup de choses, notamment parce que Benoît Coquard s'adresse à des générations plus jeunes que la mienne, et confrontées à des problèmes souvent plus ardus, où, par exemple, la notoriété, le " qu'en dira-t-on ", se mesure également par le biais de sa popularité sur les réseaux sociaux, où les occupations sociales dévolues à ces campagnes (la chasse, la pêche) servent de liens entre les individus, de manière de se mouvoir dans les cercles familiaux, d'amis, ou d'employeurs potentiels. Benoît Coquard consacre aussi beaucoup de paragraphes à une analyse fine du mouvement des gilets jaunes particulièrement emblématique des " campagnes en déclin ".
Monde ainsi à mille lieues des grandes villes, de la vie citadine, mais aussi de celle des régions plus favorisées, celles qui comptent, qui échappent à la fameuse " diagonale du vide ". Je sais gré à Benoît Coquard de décrypter le dangers des nouvelles notions sociologiques, comme celles de la " France périphérique ", particulièrement réductrice et dont l'effet pervers est de réunir et de schématiser à travers les mêmes préoccupations économiques des zones aussi différentes qu'une cité de banlieue et un village perdu de cinquante âmes.
La question du vocabulaire est importante : les journalistes se ruent sur la notion de " territoires " pour parler du moindre coin de France, ce qui dilue les discours : implanter une laverie industrielle dans un territoire, c'est une information sans conséquence, mais si la laverie en question est à moins de trente kilomètres de chez moi, et qu'elle a pour objectif de stocker et de nettoyer des combinaisons utilisées dans l'industrie nucléaire, je me sens concerné, surtout quand la préfecture vient d'en autoriser l'implantation, malgré l'opposition constatée de 90 % de la population concernée.
Ainsi, pour " ceux qui restent ", " faire sa vie dans les campagnes en déclin ", ce n'est justement pas subir les conséquences de zones désertées, via l'envie gouvernementale de transformer ces endroits faiblement peuplés en électeurs en poubelles nucléaires (projets UNITECH, BURE).
Benoît Coquard a eu le mérite de donner la parole à ceux qui ne l'avaient pas. Ils ont parlé de leurs conditions, de la manière dont on peut organiser sa vie au présent ici. Maintenant, il reste à donner une suite sociologique à cet essai en permettant à "ceux qui restent" de dire ce qu'ils veulent pour leur avenir.
(11/07/2020)

 

Enfin ! J'attendais ce moment avec impatience. La crise du coronavirus qui a perturbé ma santé et ma vie personnelle, comme beaucoup, s'est doublée de l'arrêt brutal de tous projets. Je craignais que cette désorganisation totale ne remette en cause la parution de Y, mais tout s'est déroulé comme prévu. Il faut dire que le livre était déjà bien avancé par chance. Les propositions de couverture m'étaient parvenues, le booklet de la rentrée était déjà quasi achevé, les argumentaires et quatrième de couverture peaufinés avant la grande réclusion. Nous avions décidé après un accord sur le texte définitif, de travailler directement les corrections sur épreuves. Aussi, le correcteur (qui a fait un remarquable travail, très précis) possédait-il la mise en page définitive au moment du confinement. Il a suffi que l'éditeur, muni d'une accréditation officielle, puisse traverser Paris pour aller récupérer les précieuses et nombreuses annotations en retour dans l'officine éditoriale désertée de ses occupants, passe probablement une grande partie de sa journée à numériser les 560 pages et m'envoie le tout. Nous avons ainsi pu travailler à distance. Mais après tout, cela ne changeait pas grand-chose, c'est souvent à distance que tout ce travail s'accomplit habituellement. Les secondes épreuves ont suivi, très légères, puis une dernière vérification avant que l'ensemble ne parte chez l'imprimeur. En réalité, je craignais aussi que l'économie stoppée dans beaucoup de domaine ne retarde la fabrication du livre. Il n'en a rien été et j'ai pu d'une manière quasi normale récupérer mercredi 10 juin les premiers exemplaires et effectuer le rituel " service de presse " (à titre de comparaison, pour Vie prolongée d'Arthur Rimbaud, en 2016, la même opération avait eu lieu quinze jours avant).
Le service de presse donc, commence par un grand moment d'émotion : on découvre enfin le livre fabriqué, rangé par piles entières dans une petite pièce. Les premiers gestes que l'on accomplit sont doux, prendre un exemplaire, caresser le grain de la couverture, le retourner, lire " la quatrième ", l'ouvrir enfin, regarder comment s'ouvrent les premières pages, le bruit que cela fait, se mettre à la place d'un lecteur inconnu qui découvrirait le livre. C'est à chaque fois pour moi un moment d'intense émotion, presque un recueillement, impression de retenir mon souffle. Par superstition, manie ou autre magie noire, je considère toujours que le premier exemplaire que je touche ainsi devient le mien propre, celui qui viendra compléter sur mon bureau la pile de mes livres paru : Yougoslave est ainsi le quatorzième étage d'une tour qui mesure maintenant exactement 30 cm de haut (et qui réunit la somme de 4051 pages : si, si je les ai comptées). Cette tour n'est constituée que des romans écrits seuls. Les ouvrages rédigés en collaboration (Autour de Franck, avec Anne Savelli, Instants Handball, avec Alain Delatour) figurent également dans la bibliographie de Yougoslave et du livre précédent.
Yougoslave : là aussi, c'est un rituel auquel je ne déroge pas, celui de nommer par initiales uniquement le titre du livre tant qu'il n'a pas d'existence tangible. Ainsi, Y peut clamer maintenant son titre haut et fort : YOUGOSLAVE !
Pour en revenir au service de presse qui consiste à envoyer à des journalistes cette lecture d'été avant la parution à la rentrée, je l'ai effectué différemment des autres fois. J'avançais masqué, coronavirus oblige, comme tous les employés de la maison d'édition, mais cela n'empêchait pas la joie de se revoir. J'ai gardé le masque pendant toute cette journée de dédicace, afin de ne contaminer aucun des exemplaires que j'ai signé.
Bien sûr, j'ai ramené quelques exemplaires de ma dotation personnelle (quelle idée d'avoir écrit ce pavé de 850 gr, mon sac pesait 18 kg…) et notamment celui dédié à mon père : la suite est en rubrique Étonnements.
(30/06/2020)


Quelques notes issues de Profession romancier d'Haruki Murakami:
- à propos de l'éducation : (à relier à la disparition en 2019 de l'épreuve d'invention du bac de Français, même constat navrant)
Je le répète : je n'ai trouvé aucun plaisir à l'école en tant que telle, dans son cadre institutionnel.[...]
Ceux qui ne peuvent s'empêcher d'aimer l'école et qui sont tristes quand ils ne peuvent pas y aller deviennent rarement des écrivains. Car très tôt, les écrivains sont capables de créer dans leur tête leur propre monde. Moi non plus, je crois, je n'écoutais pas grand-chose pendant les cours, j'étais constamment plongé dans toutes sortes de rêveries. Si j'étais élève aujourd'hui, sans doute ne pourrais-je pas me plier à ce système ; je serais un " décrocheur ". Mais à mon époque, et par bonheur - ou par malheur -, ce phénomène n'était pas encore en usage. Il ne me serait tout simplement pas venu à l'esprit de ne pas aller à l'école. A chaque époque, partout dans le monde, l'imagination est essentielle. A l'extrême opposé se situe " l'efficacité " […] Pour résister à cette efficacité à courte vue, lourde de dangers, l'individu doit se constituer un " pivot " sur lequel reposerait une pleine liberté de pensée et d'imagination. Et il doit ensuite l'étendre, le connecter à toute la communauté.
Cela ne signifie pas que j'aimerais que l'on mette l'imagination à l'avant-poste du système scolaire. Non, l'imagination appartient aux enfants eux-mêmes et pas aux professeurs ou aux divers établissements éducatifs. Et sûrement pas aux principes de l'éducation de l'état ou de telle collectivité. […] J'espère seulement pour l'école que l'imagination, apanage de quelques enfants, ne soit pas étouffée.

- Sur la difficulté de nommer les personnages (comme moi !)
Pendant très longtemps, je n'ai pas pu donner de noms à mes personnages. Des pseudo appellations comme " le Rat " ou " J. " , cela me convenait encore, mais de véritables noms, je ne pouvais m'y résoudre. Pourquoi ? Je l'ignore. Je peux seulement dire que je le ressentais comme éprouvant. J'ai du mal à l'expliquer mais il me semblait qu'imposer de façon arbitraire des noms (même à des personnages imaginaires que j'avais entièrement créés), ce n'était pas bien. Il n'est pas impossible que l'acte d'écrire un roman, au début, ait eu pour moi quelque chose d'embarrassant. Car écrire un roman, c'est comme mettre son cœur à nu devant les autres et c'est extrêmement gênant.[…]
Pourtant, plus mes romans gagnaient en ampleur et en complexité, plus je ressentais combien l'absence de noms chez mes personnages me limitait. Et, avec leur nombre qui augmentait, il devenait impossible de m'y retrouver. Je me suis donc résigné et, quand j'ai écrit " La ballade de l'impossible ", j'ai décidé de nommer les personnages. Cela n'a pas été simple, mais je me suis dit : " Ferme les yeux et vas-y ! "
Sur l'utilisation des pronoms personnels japonais :
Quand j'ai commencé à écrire, j'ai utilisé le pronom personnel (première personne) " boku " [ " boku " (prononciation " bokou ") est un pronom personnel que l'on traduit par " je " et qui est surtout utilisé par les jeunes garçons ou les jeunes hommes dans la vie courante. En littérature, on utilise plutôt un pronom personnel plus formel, comme " watashi "], et j'ai conservé cette habitude durant une vingtaine d'années. Pour les nouvelles, j'ai cependant utilisé parfois le pronom de la troisième personne (il ou elle), mais pour le roman je m'en suis tenu au " boku ". Bien entendu, cela ne veut pas dire que " boku " est Murakami (pas plus que Philip Marlowe n'est Raymond Chandler). Même si, dans chacun de mes romans, ce prénom " Boku " est attaché à des personnages différents, il faut admettre que lorsqu'on écrit constamment à la première personne, la frontière entre le " je " réel et le " je " du personnage est parfois assez floue - aussi bien pour l'auteur que pour le lecteur.
Au début, ce n'était pourtant pas un problème parce que j'avais l'intention de me servir de ce " je " imaginaire comme d'un point d'appui pour créer et amplifier l'univers de mon roman. Mais petit à petit j'ai eu le sentiment que cela ne me convenait plus. En particulier lorsque je me suis mis à écrire des romans très longs, j'ai ressenti ce " boku " comme oppressant. Dans " La Fin des temps ", j'ai utilisé alternativement les deux pronoms " Boku " et " watashi " un chapitre sur deux, dans une tentative de trouver une solution à ce problème.[…] Avec le recul, je m'aperçois qu'il m'a fallu presque vingt ans pour m'éloigner du récit à la première personne et pour être capable d'écrire un roman à la troisième personne. C'est long, vingt ans…
- à propos d'une utilité inattendue des livres
Un jour, un ancien camarade de classe m'a appelé et m'a expliqué : " Mon fils est lycéen, il lit tous tes livres et nous en discutons très souvent. D'habitude, nous n'avons pas grand-chose à nous dire, mais là, brusquement, nous nous sommes parlé. " Au ton de sa voix, j'entendais qu'il était très heureux. Tiens, ais-je donc pensé. Mes livres auraient ainsi une certaine utilité ? Ou du moins ils aideraient à rétablir un soupçon de communication entre parents et enfants. Ce serait un mérite non négligeable.
J'ai vécu la même expérience pour Retour aux mots sauvages. Un élève est venu timidement me trouver après une présentation destinée au Goncourt des lycéens : il avait lu mon livre et l'avait recommandé auprès de son père, qui ne lisait pas de roman, mais il pensait que les thèmes que j'aborde l'intéresseraient. Je sentais qu'il était très fier d'avoir trouvé ce moyen pour apprendre quelque chose à son père.
(04/06/2020)

 


Qui êtes-vous Pierre Lemaitre ? Que faisiez-vous avant de vous lancer dans l'écriture " pour de vrai " dès 2006 ?
Je suis un romancier du XXIème siècle (du moins je l'espère). Ce que je faisais avant : je prenais mon élan pour devenir un romancier du XXIème siècle.
On vous reconnaît comme un auteur qui aime ponctuer ses livres de références en tous genres, piochées essentiellement du côté de la littérature et du cinéma. Comment vous est venue cette méthode de conception, d'écriture ? La continuité de votre " exercice d'admiration de la littérature " comme vous le déclariez il y a quelques années ?
Les premiers mots de la première page du premier livre que j'ai publié en 2006 explicitaient clairement mon projet, qui est resté constant depuis : " L'écrivain est quelqu'un qui arrange des citations en retirant les guillemets ". Le mot est de Barthes. Voici ce que j'écrivais à la fin de mon roman " Trois jours et une vie " : " Je me reconnais volontiers dans le commentaire de H. G. Wells dans sa préface à Dolores : " On prend un trait chez celui-ci, un trait chez cet autre ; on l'emprunte à un ami de toujours, ou à quelqu'un à peine entrevu sur le quai d'une gare, en attendant un train. On emprunte me?me parfois une phrase, une idée, un fait divers de journal. Voila la manière d'écrire un roman ; il n'y en a pas d'autre. "
A ce titre, qu'est-ce qui peut vous pousser dans la rédaction d'un roman ? Quels peuvent être les éléments déclencheurs pour vous pousser vers la machine à écrire ?
J'ai choisi de devenir romancier. Un romancier est un type qui écrit des romans. Donc, je me mets au travail le matin, comme à peu près n'importe qui (je parle de ceux qui ont du boulot, bien sûr) et j'écris mon roman. Quand j'en ai terminé un, je commence le suivant.
(Extraits d'un entretien à Lettres it be)

MLBC : Y a-t-il une catégorie de roman dans laquelle vous aimeriez être placé ?
P. L. : Oui, celle du roman picaresque, c'est-à-dire le roman de l'exclusion. Mes personnages sont des exclus de la société, des bannis. Le roman picaresque condense tout ce que je voulais dire dans Au Revoir là-haut : un héros modeste se trouvant face à l'injustice et n'ayant que la malhonnêteté pour s'en sortir. J'avais ce profond désir de raconter une injustice. Quand on veut écrire une aventure, on a besoin d'antagonistes. Il faut toujours deux éléments opposés, quelque chose qui veut et quelque chose qui ne veut pas (comme dans Roméo & Juliette).
MLBC : Est-ce que le fait d'avoir commencé par écrire des polars vous a aidé ?
P. L. : Honnêtement, j'ai commencé par le polar car je pensais que c'était plus simple. Finalement, j'ai réalisé que c'était très compliqué mais je n'ai pas fait demi tour. Le roman policier a été une formidable école. Mais j'ai aussi l'avantage d'avoir commencé l'écriture vieux, d'avoir acquis de l'expérience. Mon premier roman a été publié quand j'avais 56 ans : j'avais 46 ans de lecture derrière moi et 26 ans d'enseignement de la littérature. Quand je me suis mis à l'écriture, j'avais tellement de modèles que je n'avais plus de modèle : j'ai donc fait quelque chose qui me ressemblait.
MLBC : Quand vous écrivez, est-ce que vous avez un lecteur en tête ? Ou vous n'y pensez pas ?
P. L. : Si je ne pensais pas au lecteur, je ne me poserais pas la question de savoir si mon roman est bon ou non. Or, je fabrique une histoire pour le lecteur, je la lui vend d'ailleurs pour 22,50, donc il faut que ça lui plaise. Mais la vraie question n'est pas de savoir si le livre va lui faire plaisir mais " est-ce que je produis l'émotion que je voulais produire ? Est-ce que mon lecteur pleure au moment où je voudrais qu'il pleure?" Donc oui, d'une certaine façon, je suis donc obligé de penser à mon lecteur. La vocation de la littérature, c'est de faire comprendre le monde à travers les émotions. Chacun son métier, le mien, c'est de fabriquer de l'émotion.
MLBC : Comment écrivez-vous ? Aviez-vous la trame bien précise de votre roman avant de le commencer ?
P. L. : Un romancier doit faire très confiance à l'écriture mais aussi savoir s'en méfier. Si vous bétonnez trop votre histoire, vous ne faites pas confiance à ce qui peut arriver dans l'écriture. Par exemple, il peut arriver que tout à coup votre personnage fasse quelque chose de génial, qui change tout, et vous trouvez ça super. Ainsi, si vous peaufinez trop votre préparation, vous ne laissez pas beaucoup de place à la fantaisie. Dans l'écriture, il peut arriver beaucoup de choses. Mais il faut aussi se méfier de l'écriture car il ne faut pas croire que l'écriture va régler tous les problèmes, en se disant " je verrai bien ". Personnellement, je ne démarre pas tant que je n'ai pas la trame générale et la fin. A ce moment, je sais que l'écriture va pouvoir combler le reste mais je sais où je vais.
(Entretien pour My little book club)

Aujourd'hui, le roman de Pierre Lemaitre sort en version audio, aux éditions Audiolib, et le romancier a choisi donner sa voix à son roman.
"Lire le roman, c'était naturel. J'essaie toujours dans l'écriture de travailler le style pour réduire la distance entre le lecteur et le narrateur, travailler ce que j'appelle l'illusion de l'oralité. C'est compliqué, en fait. On croit comme ça que ça a l'air simple, comme Céline par exemple, on se dit c'est du langage parlé mais en fait c'est très écrit. Comme Audiard. Essayez de dire du Audiard dans un bistrot, vous verrez, on vous prendra pour un savant !"
"Donc pour "Au revoir là-haut",
j'ai vraiment travaillé sur cette illusion de l'oralité. J'ai essayé de soigner les ruptures, le style, pour donner cette impression. Donc la lecture à voix haute est vraiment au cœur de cette préoccupation, de cet effort pour donner l'impression non pas d'un récit intime, mais cette manière de dire, c'est moi qui vous raconte une histoire, en interpellant aussi le lecteur dans le cours du récit. C'est une manière qui m'a beaucoup frappé chez Diderot, qui m'a beaucoup plu aussi, cette facilité, cette liberté prise avec le lecteur, qu'on retrouve aussi chez Aragon. Donc la lecture à voix haute, c'était naturel. J'aime bien installer un contrat tacite avec le lecteur en lui racontant une histoire. C'est le principe de la littérature populaire, qui marche très bien aussi dans le feuilleton."
"Je voulais être comédien"
Et c'est aussi pour ça que Pierre Lemaitre a tenu à lire lui-même son texte. "C'est moi qui ai voulu le faire. L'éditeur a essayé de me dissuader. C'est un très gros livre, donc c'était 20 heures d'enregistrement par sessions de 4 heures. On m'a dit, des sessions aussi longues, ça peut poser des problèmes techniques pour un non-professionnel, des problèmes de régularité, de tonicité. Il y a aussi beaucoup de passages dialogués donc ça demande un vrai travail vocal, pour faire vivre les différents personnages. Donc l'éditeur m'a dit tu ne peux pas faire ça. J'ai insisté, je voulais vraiment le faire, je ne doute de rien vous savez… Alors on a fait un essai. Ils ont dit ok et et j'étais très content, d'autant plus content qu'à la fin, il n'y a pas eu un seul raccord à faire ! En fait quand j'étais jeune, j'ai voulu faire du théâtre. Je crois que ça a joué, cette nostalgie du temps où je voulais passer le Conservatoire."
"J'ai redécouvert Proust en courant"
Quand on lui demande pourquoi il a accepté que son roman soit édité en version audio, Pierre Lemaitre fait l'apologie de cette forme d'édition, trop mal connue en France, pense-t-il. "Je ne comprends pas pourquoi le livre audio n'a pas plus de succès en France. C'est incompréhensible. Moi j'écoute beaucoup de livres. J'ai longtemps été marathonien. Un marathon, c'est long, au bout d'un moment qu'est-ce qu'on s'emmerde ! J'ai adoré retrouver Proust en écoutant les 72 CD de "La recherche" en courant (ou 75 il faudrait vérifier). Il y a aussi des tas de livres que j'ai découverts à l'écoute. Je ne comprends pas pourquoi ça ne marche pas mieux. Les gens sont dans les transports pendant des heures, les jeunes aussi, les DVD ça leur pourrait leur faire moins peur. Je ne sais pas, c'est sûrement parce que c'est peu connu.
(Entretien pour France TV Info)

(28/05/2020)


Le confinement, bien sûr, mais comment oublier l'arrêt de la machine économique qui y est lié. Tous les secteurs sont touchés et les premières difficultés annoncées laissent craindre le pire. On peut bien sûr balayer cette certitude d'un revers de main, arguer que la libéralisation économique nous a conduit là, mais, d'accord ou pas d'accord, les effets se feront sentir et il nous faudra payer d'une manière ou d'une autre la note : chômage, récession, impôts, durcissement politique, les lendemains vont déchanter.
Le secteur du livre, de l'édition au libraire ne va pas y échapper. Lorsque la librairie de ma ville m'a envoyé un mail pour signaler qu'ils reprenaient leur activité par commandes et par rendez-vous (nous étions encore confinés), j'ai acheté plusieurs fois des livres pour soutenir cette officine. J'y suis allé, puis retourné depuis la véritable réouverture du 11 mai, avec un masque et en suivant le parcours dévolu, conscient de l'importance d'y participer.
A l'autre bout de la chaîne du livre, ma maison d'édition, située à Paris, a fermé ses portes au premier jour du confinement. Ceci dit, mes relations avec elle sont essentiellement téléphoniques et numériques et quelques échanges ont donné un semblant de vie normale. La parution de Y étant prévue pour la rentrée de septembre, nous en étions à la phase importante de la mise en forme réelle du texte, l'épreuve des épreuves si l'on peut dire. J'ai ainsi reçu les premières épreuves et j'ai pu les travailler surtout lorsque mon éditeur, au milieu du confinement, a été dûment autorisé par son DRH à se rendre dans son bureau pour récupérer la lourde liasse d'impression corrigée manuellement. Je le remercie de m'avoir scanné tout cela (560 pages tout de même). J'en profite pour remercier le (la) correcteur(-trice) qui a fait un travail magnifique, opiniâtre et très pointu sur un roman long et difficile où plusieurs alphabets et langues s'entremêlent. A partir de là, les secondes épreuves ont traditionnellement suivi après ma relecture et d'autres ajouts, puis les troisièmes juste la veille de l'envoi à l'imprimeur, il y a trois jours (retrouvé deux coquilles). Bref, Y semble bouclé.
En parallèle, il faut préciser que le booklet (c'est l'appellation requise, je préfère le mot de " brochure promotionnelle "), qui précise la rentrée littéraire de septembre avait été élaboré, en fait juste avant le confinement, que la couverture (très sobre et très belle) avait été choisie, ainsi que la photo de votre serviteur pour le bandeau (l'excellent Richard Dumas m'a donné un visage d'écrivain et de Rolling-Stone, qu'il en soit vivement remercié). Seule entorse à cette vie de préparation d'un livre presque normale, la réunion des représentants Fayard n'a pas pu se tenir et j'ai enregistré une petite vidéo à leur intention. La présentation aux libraires parisiens prévue début juin ne pourra pas se faire également.
A ce stade, Y avance (on pourrait dire " avance masqué ", histoire de rester dans l'actualité et de copier l'expression de Georges Perec) et tout semble normal, sans retard, pour une parution toujours en septembre.
Bien sûr, il reste des échéances traditionnelles qui demeurent en suspens, quid du service de presse, quid également de la manière dont cette rentrée littéraire pourra s'effectuer, mais que Y avance est déjà une immense satisfaction.
(21/05/2020)

 

 

Relater l'expérience du confinement a été un grand moment de créativité pour beaucoup d'acteurs culturels (comme on dit). Il faut dire que la situation inédite de ce retrait forcé, ainsi que le temps libre dégagé des obligations habituelles (14 rendez-vous annulés pour moi) ouvraient bien des perspectives.
Beaucoup d'écrivains auront opté pour un journal de confinement, voire un journal de non-confinement pour relater la vie de ceux qui ont continuer à œuvrer (dans L'Huma). Pour ma part, il me semblait un peu stérile de narrer combien on tourne en rond dans un appartement ou une maison, avec comme seule fenêtre Internet ou les réseaux sociaux. Et en même temps, cette expérience nouvelle m'apparaissait terriblement romanesque et digne d'être détournée dans une fiction qui se bâtirait au jour le jour.
Aussi, lorsqu'à émergé l'idée au sein du sympathique collectif de l'aiR Nu auquel je contribue, de constituer une rubrique pour évoquer le confinement, j'ai commencé à écrire Sur Ivan Oroc, en remarquant que c'était le palindrome de " coronavirus ". Au début, je n'étais pas sûr de suivre une cadence rapide de publication, j'imaginais plutôt quelques épisodes hebdomadaires, mais très vite le changement de tempo que le confinement a provoqué m'a fait opter, presque sans m'en apercevoir, pour une publication journalière, à la fois sur mon site (le texte) et sur l'aiR Nu (l'audio) où je me suis évertué à lire l'épisode du jour.
A ma grande surprise, je me suis ainsi très rapidement pris au jeu et, à la fin, je n'ai loupé que deux jours au tout début, le temps de prendre mes marques. A remarquer aussi que les contributeurs de cette rubrique de l'aiR Nu Ce qui nous empêche ont pareillement été très prolixes : à ce jour, on compte 106 articles postés, que je prenais beaucoup de plaisir à découvrir au fil des parutions : félicitations à Guy Bennett, Piero Cohen-Hadria, Anne Savelli, Joachim Séné pour ces belles lectures.
Sur Ivan Oroc, donc, compte cinquante quatre chapitres, un par jour, qui mettent en scène le personnage d'Ivan Oroc. En réalité, il y en a plus, car Joachim Séné a intercalé quelques épisodes à rebours sur les rêves d'Ivan Oroc, merci beaucoup de ta contribution (et merci aussi aux autres pour leurs allusions ponctuelles). Le rituel de réalisation était toujours le même. J'écrivais généralement le matin, je complétais et enregistrais l'après-midi. Et comme il s'agissait du confinement obligé à la maison, le tout avait lieu dans mon bureau habituel où une horloge rythme généralement le temps. Aussi, lors du premier enregistrement, j'ai eu l'idée d'intégrer son tic-tac, histoire de marquer justement cette période inconnue qui s'ouvrait devant nous. J'y ai ajouté le défi de la photographier sous tous les angles et de poster une vue chaque jour, pour révéler ce qui se cache derrière le décor. Evidement, à force, j'aimais lorsqu'elle sonnait en plein milieu de l'enregistrement et j'avoue avoir souvent guetté le moment adéquat pour qu'elle ajoute sa voix.
Le tout (écriture et enregistrement) prenait environ deux heures. Mes co-confinés (en tout nous étions cinq au maximum) évitaient de faire du bruit au moment de l'enregistrement, mais ça n'a aucune importance, au contraire j'aime parfois réécouter ces épisodes juste pour distinguer l'éclat de voix du bébé qui s'amuse, le bruit de la tondeuse du voisin ou même une fois le vrombissement d'une mouche qui tournait autour du micro. Les enregistrements ont été faits rapidement et rarement recommencés, aussi les bafouillages et les erreurs de lecture sont nombreux. Il y a aussi toute une partie au début un peu cacochyme avec des chapitres courts n'excédant pas quatre minutes, ils correspondent au manque de souffle que la maladie a provoqué (en fait j'ai tout testé pendant cette période, texte et audio, confinement et virus, tant qu'à faire). Mais malgré ces hésitations, je préfère la partie audio plutôt que la partie écrite. Le texte est aussi imparfait. Il y a des fautes, des répétitions, des phrases mal tournées, il s'agit d'un premier jet pourrait-on dire.
En réalité, il y a beaucoup de similitudes avec la rédaction d'un vrai roman. D'abord l'aspect et la distance : s'il était publié, il approcherait 180 à 200 pages. Ensuite la manière dont je me suis pris au jeu de l'écriture qui ressemble véritablement à ce que je fais d'habitude, cette sorte d'excitation de romancier qui pousse à avancer, qui vous fait y penser la nuit pour envisager la suite. Peut-être que ce qui me plait dans le roman, d'une manière générale, c'est de donner vie à un personnage. Au fil des jours, Ivan Oroc a ainsi pris corps.
En revanche, il y a des différences toutefois à écrire une fiction au jour le jour sans savoir ce qu'il adviendra du personnage. La publication en feuilleton exclut tout recommencement. Il faut faire avec les incohérences narratives et avancer coûte que coûte, avec des épisodes de qualité inégale. J'ai vraiment conçu chaque jour un nouveau chapitre. Parfois je glissais les premières phrases du suivant le soir après l'enregistrement, juste histoire d'y penser un peu et que s'accomplisse cette espèce de travail à l'intérieur du cerveau à l'insu de soi-même. Lorsque a fin a approché, j'ai juste envisagé des possibilités pour les quatre derniers chapitres et que bien sûr je n'ai pas vraiment respecté.
Au final, je suis vraiment content de Sur Ivan Oroc. J'ai véritablement l'impression d'avoir écrit un nouveau roman en deux mois. Qui sait ? Il sera peut-être publié dans dix ans pour marquer l'anniversaire de cet évènement planétaire ?
(13/05/2020)

 

 


Sur Ivan Oroc : c'est l'exact palindrome de " coronavirus ". Ainsi, écrire " sur Ivan Oroc " revient à créer et à faire vivre le nouveau personnage d'Ivan Oroc…
Ivan Oroc donc, est un type banal, tellement perdu dans la foule qu'on n'arrive jamais à le distinguer. Il est impossible à décrire, certains affirment qu'il est blond, d'autres qu'une ombre noire couvre en permanence le bas de son visage. Certains l'ont déjà vu sourire, d'autres parler, sans qu'on ait pu retenir la moindre de ses phrases, ni même s'il s'exprimait en français ou en albanais. D'autres l'ont vu vêtu d'une jupe, genoux à l'air sans que cela les choque le moins du monde. Placé devant un mur, il se confond avec. Au pied d'un escalier, il devient tapis rouge. On l'affiche ou on le foule. Il est impossible de savoir s'il se trouve à bonne distance de vous, ce n'est ni un proche, ni un lointain cousin : il est.
Enfance au milieu d'une cour d'école, au centre d'une classe ; adolescence dans l'anonymat d'un collège, avec peut être un vague énervement un jour où ses parents l'avaient contrarié. Perdu dans des classes de lycées, ses professeurs ont toujours marqué sur ses bulletins " peut mieux faire ", sans arriver à se souvenir de son visage, d'une remarque ou d'une réponse qu'il aurait formulée. Quand il était triste, il pleurait des larmes de crocodile qui n'étonnaient quiconque. Dans ses moments de joie, il sifflotait ou chantonnait la chanson de Sheila Je suis une petite fille de français moyen, mais personne bien sûr ne s'en apercevait.
Et le voilà aujourd'hui, gauche, à la fois indescriptible et indicible, allongé dans l'herbe le nez au ras des pâquerettes, de telle manière qu'on conclut tout de même qu'il est trop gros pour être un lapin de garenne, trop petit pour ressembler à un zèbre, et d'ailleurs il n'y en a jamais eu par ici.
Ivan Oroc, nez dans la chlorophylle, repense à l'heure précédente : il était parti voter. Évidemment, comme à chaque fois, on ne le retrouvait pas sur les listes. On l'avait fait patienter devant l'employé des électeurs égarés et des causes perdues. L'employé demandait à chacun de présenter sa carte d'identité. Il la regardait avec un air suspicieux, baissant ses binocles pour mieux en remarquer les détails, la retournant en tous sens, parfois la humant devant ses narines dilatées. Puis il la rendait au citoyen qui lui avait tendue, lequel l'enfournait dans une poche sombre, sur un mouchoir sale. L'employé alors tournait méticuleusement chaque page du registre en s'aidant d'un index mouillé de salive, de la même main qui avait tripoté la carte d'identité. Derrière lui, les affichettes rappelaient les mesures d'hygiène. Le gel hydro alcoolique était placé sur une table hors d'atteinte " sinon dans dix minutes on n'en aura plus " avait affirmé le chef du bureau de vote. " Ça y est je vous ai ! ", lança l'employé en postillonnant.
Ivan Oroc avait reconquis son statut d'objet trouvé.
(… à suivre et à retrouver sur l'aiR Nu, journal de confinement Ce qui nous empêche).
(16/03/2020)

 

 

 

Cette semaine, cela fait un an que le poète Antoine Emaz a disparu. J'en avais parlé en Notes d'écriture le 2 avril 2019. Parmi les livres de lui que je relis régulièrement, ses carnets de notes sur la poésie comme Cambouis (Notes de lecture et Notes d'écriture du 28/12/2011), paru dans la collection Déplacement chez Seuil et que dirigea trop brièvement François Bon, ou encore Cuisine, dont le titre me fait penser immanquablement à l'expression que j'emploie souvent lorsque nous parlons écriture avec quelques ami-e-s écrivain-e-s : " on parle popote ". Donc, voilà, une fois encore j'ai l'impression qu'Antoine Emaz, que je n'ai jamais eu la chance de rencontrer, me reçoit chez lui pour parler popote :
…/…
La pensée pose son objet puis le développe dans une réflexion construite. Le poème, lui, se lance sans savoir, et avançant, construit son objet ou son enjeu. Ce n'est pas que la poésie ne puisse pas penser, c'est que la pensée sera toujours en retard sur la poésie.
…/…
Loin de la poésie, au sens où la langue n'interfère plus avec ce qui est. Les arbres et la pluie sont, sans demander leur reste de mots. Comme si les cordes internes étaient détendues, u'il n'y avait plus qu'un désir de laisser filler le temps pour se refaire.
…/…
Je veux un poème qui parle maintenant, dans ma vie maintenant. Qu'ais-je à faire d'un arrêt sur beauté, d'une poésie de gisant ?
…/…
Ma médiocrité sociale de petit prof de province m'a au fond protégé et édifié. Vivre dans le " faire " a imposé le travail d'écrire comme il est, sans trop d'effort. On ne peut pas avoir les mains dans le cambouis et la tête dans l'éther. Et, en bout de course, si j'ai mis un peu de cambouis en poésie, ce n'est peut-être pas un apport dérisoire…
…/…
(Antoine Emaz, Cambouis, Seuil, coll. Déplacements, 2009)
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Ce midi, une courte archive sur Claude Simon : il décrit d'une phrase brève le paquet de gauloises posé sur la table. Puis il reprend chaque mot employé : " rectangulaire ", " bleu ", " casque ", " gauloises "… en donnant à chaque fois les associations/connotations/évocations que le mot lève chez l'auteur ou le lecteur. C'est à la fois souligner la dignité littéraire possible d'un objet usuel et montrer l'épaisseur de la langue sitôt qu'on entre en littérature.
Ceci posé, je reste persuadé que cette " épaisseur " est bien plus forte en poésie qu'en prose romanesque. La poésie tend à isoler le mot et donc à lui donner sa résonance maximale, alors que la prose narrative, dans son phrasé lié favorise l'enchaînement et donc le choix automatique du sens imposé par le contexte de la phrase.
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Un livre c'est de l'inachevé fermé.
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(Antoine Emaz, Cuisine, Publie.net, 2011)
(02/03/2020)

 

 


J'ai envoyé le 18 février dernier la seconde version de Y. J'avais déjà relaté dans cette même rubrique le 13 janvier dernier la nécessaire cure d'amaigrissement qu'il me semblait devoir entreprendre au sujet de ce texte, remaniement d'ailleurs acté lors de ma visite chez ma maison d'édition quelques jours après. Voilà, c'est fait, il m'a fallu moins d'un mois pour reprendre les mille pages de la version initiale, je m'attendais à plus. Au final, le texte s'est réduit de près de 25%. Ça peut paraître beaucoup, mais en réalité, Y demeure le plus long texte que j'ai jamais produit, malgré ces coupes. Dans une édition grand format (comme celle de VPAR qui atteignait 415 pages), on devrait être aux alentours de 500 pages. Gros livre donc, et c'est pourquoi une relecture du premier jet était nécessaire pour éliminer les scories qu'un texte au long cours laisse apparaître, mais aussi prendre en compte l'obligatoire lassitude que le lecteur peut ressentir devant un texte long. En effet, si, au départ je voulais bâtir une œuvre comme Les Misérables ou La Guerre et La Paix, force est de constater que le lectorat d'aujourd'hui n'est plus adapté à des entreprises de longue haleine. Le zapping permanent que nous impose la vie moderne nous a déshabitué à ces lectures d'un autre siècle. Pour VPAR, et pour Faux nègres aussi qui dépassait les 400 pages, j'avais tenté de rendre la lecture plus attractive en élaborant des chapitres courts, nécessaire à une respiration plus agréable que de devoir suivre avec inquiétude des blocs de pages ininterrompus qui nous donnent l'impression de ne pas avancer. J'ai suivi là encore ce précepte. Mais j'ai surtout tenté de resserrer le texte autour des personnages. Si l'apport historique est nécessaire pour comprendre ce qui passé dans l'Europe que je décris pendant 230 ans, il ne faut pas non plus perdre le fil du récit dans un luxe de détails qui, au final, apportent peu à la compréhension des situations. Exit donc, les références trop lointaines ; exit aussi pas mal de précisions qui délimitaient le contexte littéraire de l'époque (il reste tout de même des allusions incontournables comme Hugo et Tolstoï). Au final, mon orgueil de bâtir une épopée s'est réduit à un tiers seulement d'une œuvre comme Les Misérables ou La Guerre et La Paix et c'est tant mieux. Reste donc à travailler le texte ligne par ligne, à me poser des questions et à les résoudre : placer une carte géographique, peut-être un arbre généalogique, faut-il supprimer l'épilogue qui me paraît superflu.
Mais ce qui me reste de cette seconde version, c'est d'avoir bâti un récit dont certaines manières d'écrire, de s'impliquer en tant qu'auteur sont différentes : j'en vois trois principales : premièrement, le début (enfin les quatre premières parties, soit plus de la moitié du livre) sont tributaires essentiellement de mon imagination ; deuxièmement, la cinquième partie (la plus grande et probablement la colonne vertébrale du livre) est tributaire de souvenirs racontés ; troisièmement, ma propre vie fait irruption dans la dernière partie avec les inconvénients liés à " se raconter ".
A suivre…
(20/02/2020)

 

 


Troisième et dernier jour de poésie au lycée Chanzy de Charleville-Mézières. La quatrième séance, officiellement prévue, est dévolue à la restitution du travail accompli par la classe de seconde dans laquelle j'interviens cette année scolaire avec Karine, la professeure de français, et tout cela est prévu le vendredi 20 mars prochain.
Cela a passé tellement vite ! Au départ, notre projet était plutôt vague : la poésie bien sûr, puisqu'on est dans la ville natale d'Arthur Rimbaud. Et puis évoquer Haïti et sa poésie populaire, car c'est le domaine de passion de Karine (et qui me l'a transmise, merci beaucoup). Enfin, profiter de la manifestation du Printemps des poètes qui aura lieu tout le long du mois de mars pour officialiser le travail accompli. Mais où ? A la médiathèque toute proche ? Au lycée ? Et comment ? Lectures par les lycéens ? Expositions de leurs textes ? Et quoi mettre en avant ? Beaucoup de questions, peu de réponses fermes. Dans l'instant, nous restions avec nos questions initiales en suspens, chacune des trois séances (1h30 par demi-classe de dix-huit élèves) était dense, retour sur le travail précédent, explications à fournir, puis jeux d'écriture, pas le temps de penser à grand-chose, de prendre du recul pour prévoir la suite.
Mais la magie (de la poésie ?) a opéré : au moment de cette troisième et dernière séance, j'ai mesuré combien nous étions finalement pilepoil dans le thème retenu cette année pour le Printemps des poètes et qui est le courage. La première séance en effet a été consacrée à produire de courts poèmes dans le style des haïkus, et combien cette activité anodine en apparence requiert comme courage individuel : écrire, lire, se dévoiler devant un lecteur ou plusieurs. Avec la seconde séance consacrée à Haïti, il s'agissait cette fois-ci de la poésie en symbole absolu du courage collectif qu'il faut pour vivre là-bas. Les textes seront bâtis à l'aide d'anaphores, d'embrayeurs comme " il y a ". Au début de la troisième séance, les lycéens reviennent sur ce qu'ils avaient écrits : très beaux textes. Je mesure combien ils n'ont rien à envier à des poèmes de même facture, par exemple le " il y a " d'Arthur Rimbaud dans Les illuminations ou celui d'Apollinaire.
Pour la troisième séance, ce sont des poètes courageux que nous abordons, Pablo Neruda, notamment Le livre des questions  (voir en note de lecture) nous permet de continuer de la même manière que le poète chilien, avec en écho, Le livre des questions d'Edmond Jabes, écrit à propos de l'holocauste, autre forme de courage. Et courage donc pour les lycéens, puisque cette troisième séance vivante leur donnait l'occasion d'écrire à la vue de tous leurs questions au tableau.
Ainsi, tout ce qui a été produit pendant ces trois séances d'écriture - haïkus, anaphores, questions - constitue une belle matière poétique pour le Printemps des poètes (bravo à tous). Je ne doute pas que la restitution prévue en mars, les lectures, l'exposition des poèmes sera une vraie réussite (une fraîcheur dans un environnement scolaire marqué par la navrante disparition de l'écriture d'invention). J'ai prévu de revenir quinze jours avant cette manifestation, d'abord pour en régler les derniers détails avec Karine et cette classe attachante et aussi parce que les élèves ont lu Retour au mots sauvages (grande fierté pour moi) et que nous n'avons pas eu l'occasion (ni le temps) de beaucoup échanger ensemble sur mon travail.
(05/02/2020)

 

 

 

C'est encore en pensant à Paul Léautaud que j'aborde ce jour de grève pour aller à Paris. En effet, je ne chercherai même pas à prendre le RER B, j'ai décidé de me rendre à la capitale à pied, ainsi que le faisait l'écrivain pour aller de Fontenay au Jardin du Luxembourg et y nourrir les chats errants. La coulée verte qui va du Sud au Nord offre d'abord un terrain facile et tranquille, outre les joggers, il y a les cyclistes et les adeptes de la patinette électrique qui suivent les allées bordées d'arbres, loin du bruit et la circulation. D'où j'habite, le périphérique et l'entrée dans Paris est exactement à six kilomètres et il m'en faudra quatre de plus pour rejoindre les parages du Luxembourg et de la Sorbonne, le coin des libraires et Saint-Germain.
A midi, j'ai rendez-vous à la Closerie pour discuter de la suite de Y et de sa parution. Alors que la dernière fois j'étais assis à la place d'André Breton (voir Webcam du 07/10/2019), c'est à celle qu'occupait le grand Samuel Beckett que je me trouve aujourd'hui : bon présage ? En fait, le remaniement de Y ne me pose pas de problème : le texte en effet se doit de devenir plus nerveux, d'éviter que le lecteur se perde dans les deux siècles et un tiers et les six générations d'un récit dont le contexte historique est ardu. L'après-midi, retour chez l'éditeur où j'aborde plus précisément avec Jean-François, que je retrouve avec joie, le principe des modifications, la manière dont nous allons procéder et le calendrier. Car même si septembre paraît lointain, les contraintes éditoriales imposent de tout boucler quasiment dans les deux mois qui viennent. Nous abordons aussi l'illustration de couverture, cherchons des idées. J'émets le souhait d'une carte afin que le lecteur puisse retrouver les lieux exotiques de la Mitteleuropa que je cite.
Retour dans l'après-midi en banlieue Sud, toujours à pied et par le même chemin, sous l'air froid et sec. Un peu mal au pied en arrivant : j'ai tout de même parcouru 24 km !
Bénéfice direct de cette confrontation à propos de Y : j'envoie à mes éditeurs dans la foulée du week-end suivant les deux premiers livres remaniés et le projet d'une carte. A suivre !
(28/01/2020)

 

 

Note d'écriture de Pauline Delabroy-Allard :
" En quelque sorte. Il me faut du temps libre devant moi, beaucoup. Et puis un horizon libre, physiquement je veux dire, le mieux étant les endroits quasi vides. J'aimerais pouvoir écrire toujours dans un endroit où la vie matérielle n'a pas ou peu de prise, où la vie est déchargée d'un coup de ses contraintes quotidiennes. En attendant d'avoir la chambre de bonne dont je rêve, j'écris chez des amis. Les journées, pour l'écriture de Ça raconte Sarah, se passaient ainsi : je me réveille tôt, j'écris un poème d'échauffement, j'écris quelques mots ou quelques pages sans relire les lignes écrites la veille, je vais à la piscine nager un kilomètre, je déjeune, je fais la sieste, j'écris à nouveau quelques heures l'après-midi. Il me faut énormément dormir quand j'écris, c'est très important d'avoir un bon lit dans ces moments-là. "
(22/01/2020)

 

J'ai terminé Y le jour du 228ème anniversaire de la mort de Mozart, le 5 décembre dernier et j'ai aussitôt envoyé le manuscrit à mon éditeur. 228 ans d'histoire familiale, c'est la distance exacte de Y, commencé le jour du décès du musicien et où entre en scène mon arrière-arrière-arrière grand-père autrichien, âgé de quatorze ans et qui réside alors au Sud de Vienne. 228 années ne s'écrivent pas (ne s'inventent pas) en peu de pages et le livre déployé double presque Vie Prolongée d'Arthur Rimbaud, le plus grand que j'avais écrit jusque là. J'avais dans l'idée un roman de la teneur de La Guerre et la Paix de Tolstoï. En réalité, je n'ai atteint qu'un tiers. Pour autant, alors que je m'apprête à retravailler le premier jet avec les deux éditeurs de confiance qui m'accompagnent depuis des années, se pose la question de l'opportunité d'une cure d'amaigrissement de ce premier jet de Y.
En effet, d'un côté, la tendance d'une lecture au long court n'est plus de mise : qui peut se prévaloir de lire " vraiment " en entier Hugo, Tolstoï ou Balzac ? Le risque existe ainsi de délaisser des pages forcément éloignées d'une intrigue qui se déploie sur plus de deux siècles. D'un autre côté, la coquetterie qui me laissait imaginer un lecteur s'astreindre à être emporté par un souffle ininterrompu genre Guerre et paix ou Les Misérables tient du leurre et de la prétention la plus inouïe. Donc relire, traquer les longueurs qui ne doivent pas manquer lorsqu'on s'est attelé pendant seize mois à un travail régulier et conséquent, resserrer le texte autour du récit, des personnages principaux, se poser la question des anecdotes inventées, de leur utilité dans le texte, bref, cure d'amaigrissement du texte.
Plus délicat en revanche reste la méthode à utiliser. Comment en effet détecter dans deux cents ans d'histoire ce qui est essentiel de ce qui ne l'est pas ? La fiction et l'invention ne s'oppose pas aux anecdotes historiques que j'ai patiemment retracées (et avec difficulté tant l'histoire de cette région est complexe, tant je m'aperçois qu'en France cette Europe est méconnue : il m'aura fallu explorer des documents en allemand, en anglais, en serbo-croate). Dans cette imbrication, je dois repérer pour chaque historiette, rebondissement, souvenir raconté, voire vécu, ce qui est important, de ce qui est délayé dans l'écriture. En gros, c'est un tableau à quatre entrées que je dois résoudre (à l'exemple du tableau de gestion du temps qui m'a souvent servi dans ma vie professionnelle sur le partage des priorités entre ce qui est important et ce qui est urgent). Cela donnerait quelque chose comme cela :

 

Important ++

Important --

Délayé ++

A garder (voir pour faire plus court)

A retirer (anecdotique)

Délayé --

A garder (à compléter si besoin)

A retirer (superflu)

La notion d'important n'est pas facile à identifier. Bien sûr, dans mon histoire globale, certains évènements ne peuvent être passés sous silence. Ce sont souvent des faits vécus ou racontés. Ce sont parfois des vérités historiques dénichées, des dates, des documents importants, irréfutables. Mais ce peut-être aussi des histoires inventées (comment ne pas imaginer par exemple ce qui s'est déroulé le jour de la mort de Mozart).
La notion de " délayé " fait beaucoup plus appel au métier de l'écriture, à la manière de raconter, parfois de s'entourer de précautions inutiles, voire de certaines allégories pour masquer une pudeur ou une retenue pour éviter de se mettre en scène. Le moyen que j'ai trouvé à la relecture a été de re-chapitrer le texte par " historiette ", anecdote, évènement ou période racontée. Cette multiplication des chapitres présente l'avantage, d'un coté, d'être plus digeste pour le lecteur, qui " zappe " en quelque sorte d'une histoire à l'autre. Mais en plus, chaque narration nouvelle est mieux identifiée et, avec, une trop grande dilution : pour faire simple, chaque fait (chapitre) dépassant trois pages (ou plutôt 8000 caractères, soit 8 pages classiques de roman) doit être probablement remanié. Au boulot !
(13/01/2020)

 

 

Côté écriture, 2019 avait commencé avec la parution de Il se pourrait qu'un jour je disparaisse sans trace. J'attendais peu de cette parution en janvier. Les précédentes expériences m'ont montré qu'il ne se passait pas grand-chose lors de cette rentrée littéraire. Mais on ne peut pas toujours publier en septembre, on a l'air de courir après les prix, ce qui, en ce qui me concerne, n'a jamais été une priorité. Donc, Sans trace a été conforme à ce que j'attendais, bien sûr, il y a eu de bons échos dans quelques journaux nationaux (Le Monde, l'Huma, le Figaro, le Magazine Littéraire) et sur quelques blogs ou sites dont la présence me ravit autant. En revanche, pas de radio (télé, n'en parlons pas…), peu d'invitation de libraires, sauf celles que j'ai suscitées et la rencontre inattendue et bien sympathique de Liège (note d'écriture du 26/11/2019). La surprise est cependant venue à travers l'écho positif, élogieux et fervent de lecteurs qui ont véritablement accroché à mon histoire (enfin mes trois histoires entremêlées).
Mais enfin, surtout, 2019 a été dévolu à l'écriture de Y, terminé en décembre et dont la profusion m'a imposé un rythme hebdomadaire minimum d'un équivalent-roman de vingt pages minimum. Objectif atteint : en 2019, c'est plus de mille pages qui ont été rédigées. A noter que pour m'aider j'en ai rendu compte chaque semaine par SMS à Anne et Pierrot : merci pour vos encouragements (et dire combien je suis fier de participer à l'aventure de l'aiRNu avec vous tous (j'en parlerai très prochainement).
J'avais compté en 2019 sur une actualité littéraire plus fournie et le remplissage plus dense de mon agenda un peu plus relâché les années précédentes à cause de la thèse en 2017 et d'une année blanche au point de vue parution en 2018. L'année a surtout été marquée par mon retour aux ateliers d'écriture, Argenteuil d'abord, puis Charleville, avant celui proposé dans ma ville pour accompagner les jeunes migrants mineurs qui y débarquent, ce qui forme vraiment la bonne surprise de cette année en terme d'implication, de suivi collectif et d'enjeux. Du coup, 2020 va se poursuivre sur la même trajectoire, le retour marqué des ateliers avec un grand enthousiasme : celui de ma ville va se terminer en mars, mais d'autres vont se poursuivre, celui au Lycée Chanzy de Charleville avec la poésie en ligne de mire et une restitution pour le printemps des poètes, et un tout nouveau qui va m'emmener dans le département voisin de la Meuse et dont la forme, les objectifs et les participants me seront précisés ce mois-ci. A noter aussi que le travail sur Instants cuisine avec l'ami peintre Delatour, va lui aussi se doubler d'interventions au profit de la municipalité de Carignan : cela aussi va se préciser dans les prochaines semaines. Si j'ajoute à cela ma participation aux rencontres d'auteurs organisées par Interbibly à Epernay, Stenay et Reims prochainement, je m'aperçois que l'agenda du premier trimestre 2020 est déjà aussi fourni que l'ensemble de l'année 2019. Tout cela sera entremêlé avec les corrections de Y qui seront à la mesure de sa profusion avant sa parution en septembre cette fois-ci. D'autres news sont attendues pour 2020, mais il est trop tôt pour les évoquer.
(06/01/2019)