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Notes de lecture 2015

Les Rimbaldolâtres, de Jean-Michel Djian, Grasset.
Et bien voilà, je cherchais un mot pour qualifier ma passion dévorante au sujet d'Arthur Rimbaud et Jean-Michel Djian me le fournit : je suis un rimbaldôlatre. Ce petit livre dynamique et roboratif est parti d'un constat : pourquoi s'acharner sur le poète alors qu'on connaît tout de sa vie ? Et moi qui m'apprête à commettre un gros opuscule de 600 pages, voire plus, sur Rimbaud, je lui réponds : Mais, mon bon monsieur, justement c'est parce que tout est connu, qu'on peut s'immiscer dans la fiction et le romanesque. De là à en déduire que chaque rimbaldolâtre est un romancier, un fabuliste, un conteur ou un inventeur est évidemment surfait, d'autant plus que chaque spécialiste de Rimbaud, selon Jean-Michel Djian, est pénétré de son statut de chercheur et n'admet aucunement une part hasardeuse dans ses recherches. Ces querelles font la part belle de ce petit récit, qui conclut, ayant épuisé le sujet en 125 pages d'un mot de Blanchot, qui, ayant également œuvré au sujet du poète, concluait "le mieux est de se taire". Oui, mais...
(09/12/2015)

 

L'engagement littéraire à l'ère néolibérale, préface de Jérôme Meizoz, de Sonya Florey, édition Septentrion.
Inspiré de sa thèse défendue à l'Université de Lausanne en 2009, Sonya Florey, enseignante dans la même ville, réalise un travail très intéressant autour des formes renouvellées de l'engagement. Plus particulièrement dévolu aux écrivains qui mettent le thème du travail au centre de leur intérêts, l'enjeu est annonçé sans ambage dans la quatrième de couverture : "Après l'ère du soupçon, voici l'ère néolibérale, qui met le monde en coupe règlée, l'organise à sa façon, manage les "ressources humaines" comme elle gère matières premières et sources d'énergie. Face à une telle coercition, que peut la littérature ? ". L'ombre de Jean-Paul Sartre bien sûr est présente dans cet ouvrage clair et précis qui m'a régalé pendant quelques semaines au pied de ma table de chevet (ce modeste meuble de bois brut, toujours assailli par des piles de livres mériterait une rubrique spécifique, il faudra que j'y songe). La très belle préface de Jérôme Meizoz, Extension du domaine des lettres, précise l'intérêt d'une telle étude. Le paragraphe sur l'approche sociocritique,que Sonya Florey a étudié à Montréal, montre les ponts dressé entre le "discours social" et le "discours littéraire". Dans un monde économique devenu flou et peu lisible, "les écrivains contemporains composent à l'ombre d'une morale revisitée", écrit Sonya Florey. Si un engagement frontalement contre l'ère néolibérale est jugé vain par la plupart des écrivains, c'est bien sur ses conséquences néfastes que travaillent les auteurs en révélant l'aliénation du travailleur pour aller "de l'individu au personnage".
(19/11/2015)

 

Œuvres de Tanizaki, Gallimard, Pléiade.
Chaque année, on m’offre un Pléiade pour mon anniversaire, j’y tiens, c’est un rituel fascinant et agréable. On me l’offre toujours en Sicile, car c’est à cette époque de vacances que je suis né. Cette année donc, inspiration japonaise, j’ai opté pour les œuvres de Tanizaki. C’est une vieille histoire : un jour, une mienne cousine m’avait intrigué en argumentant son désir d’apprendre le japonais pour pouvoir lire Tanizaki (qu’elle plaçait en très haute estime) dans le texte. Bref, l’idée a fait son chemin et me voici avec Tanizaki comme compagnon d’été. Publiant de courts textes toujours étonnants, on peut comprendre le tournant de la littérature nippone à travers son œuvre débutée au début du XX° siècle. Empreintes d’érotisme, ses nouvelles hésitent entre modernité et tradition, ouverture sur le monde et enfermement, mouvement et immobilisme. Le texte Le tatouage est admirable en ce sens.
(07/10/2015)

 

Underground, de Haruki Murakami, Belfond.
Ce n’est pas un roman auquel s’est attelé le prolixe Haruki Murakami. Publié en 1997 et seulement traduit en français 16 ans après, il s’agit d’une enquête suite aux attentats du gaz sarin perpétrés dans le métro de Tokyo par la secte Aum. Ces attentats avaient fait 12 victimes, une cinquantaine de blessés graves et incommodés des milliers de passagers le 20 mars 1995. Murakami, qui était alors souvent à l’étranger, s’est senti particulièrement concerné et, en même temps, était sensible au traitement médiatique de cet évènement un peu trop manichéen. Il a tenté de donner une vision plus pragmatique et réaliste en réalisant un véritable approfondissement sociologique. Le livre retrace les témoignages de victimes, de leur famille parfois, mais aussi d’anciens adeptes de la secte Aum. On peut penser que cet incident est maintenant clos, la secte ayant été mise hors d’état de nuire (les principaux responsables ont été condamné à mort attendent toujours…), mais au-delà du mécanisme bien connu de l’embrigadement sectaire au profit d’un seul gourou, on referme ce livre avec la nette impression qu’une telle affaire pourrait se reproduire tant nous avons l’oubli facile.
(21/08/2015)

 

La ferme du Garet de Raymond  Depardon, Actes Sud.
J’ai un faible pour le travail de Raymond Depardon. Aussi, grande fierté quand il a accepté qu’une photo issue de La France puisse constituer l’illustration de couverture de Faux nègres.
La ferme du Garet est le lieu d’enfance du photographe en devenir, le théâtre de ses premiers essais photographiques, le lieu initial de sa vocation. Il y revient donc, y sera revenu toute sa vie, mêlé de sentiments divers, amour filial, retour aux sources. L’album qu’il consacre à ce lieu donne la part belle à des photographies émouvantes, premiers essais en noir et blanc ou clichés actuels en couleur, il laisse aussi la part belle au récit et aux souvenirs. Cette traversée d’un coin de campagne me touche forcément : c’est ma propre enfance que j’y retrouve, le bonheur d’avoir eu une grand-mère avec des lapins, qui m’a appris à faucher, la chance d’avoir eu un grand-père maraîcher et avec, mes premières paies pour l’aider en été (tiens d’ailleurs c’était un autre été de canicule, 1976). Tout est beau, tout a disparu. « Il m’arrive alors de regretter de n’être pas venu plus souvent quand mes parents exploitaient cette ferme. Ou d’être monté à Paris pour aller photographier Jean-Luc Godard et Jean Seberg à l’Elysée-Matignon pour la sortie du film A bout de souffle. Il y avait des photographies encore plus belles à faire ici, dans cette ferme ordinaire : le travail des paysans, les labours, la raite, les moissons… Je vivais à côté d’un trésor inestimable, devenu aujourd’hui rare et, en fait, peu photographié. Je me demande laquelle de ces photographies auraient le plus de valeur, Jean-Luc Godard ou mon père au travail ? »
(08/07/2015)

 

La réserve, de Russell Banks, Livre audio.
Encore un livre « lu/écouté » en voiture lors de mes nombreux trajets. Cette manière de pénétrer dans la matière d’un livre me convient en ce moment, ne remplace d’ailleurs aucunement la lecture réelle. Mais il est vrai que mon travail m’oblige à d’incessants déplacements, au minimum 200 km par jour, fréquemment 600 comme ce soir où j’écris ces lignes après une journée commencée à 6h et terminée à 20h. Je « relis » ainsi Proust sur autoroute et j’ai déjà consacré nombres d’heures à Du côté de chez Swann et A l’ombre des jeunes filles en fleurs est déjà bien entamé. D’ailleurs, je conseille cette méthode à tous ceux qu’effraie la lecture de La recherche du temps perdu. Pour en revenir à La réserve, il est probable que cette histoire de séduction entre un peintre et une jeune aristocrate délurée sur fond d’années Trente en Amérique m’aurait moins intéressé dans une lecture traditionnelle. Le livre audio a cette qualité de révéler toutes les facettes d’une écriture, c’est probablement lié à la passivité dans laquelle la route et l’autoradio nous projettent, alors que la vie mouvante, hors véhicule, pervertit parfois jusqu’à nos habitudes de lecteur traditionnel : rien n’avance jamais assez vite pour les impatients comme moi. Ici, j’ai retrouvé avec bonheur l’écriture à la fois efficace et imagée de Russell Banks qui n’a pas son pareil pour décrire les Adirondacks, y mêler les personnages qui y vivent comme s’ils étaient pétris dans la terre même. Qu’en retenir ? Une belle galerie de portraits très fouillée, parfaitement mise en scène, depuis le cynique peintre Jordan Groves et Vanessa Cole, la femme fatale complètement folle, mais aussi tous ceux qui les entourent Alicia Groves, la femme du peintre, Evelyn Cole, la mère de Vanessa ainsi qu’Hubert St. Germain, le garde de la fameuse réserve…
(22/05/2015)

 

L’art français de la guerre, d’Alexis Jenni, Audiolib.
Comme pour Au-revoir la haut, chroniqué il y a peu, j’ai écouté une version audio de ce prix Goncourt, lu cette fois, non par l’auteur mais par Philippe Caubère. Je ne me prêterai pas au jeu des comparaisons. Juste dire que cette histoire où la guerre d’Algérie, et nos périples coloniaux constituent la trame, résonne et résonnera encore longtemps en moi. L’histoire de Victorien Salagnon nous aide avec simplicité à expliquer notre acharnement stupide dans cet « art français de la guerre ». Aussi, lorsque j’ai terminé d’écouter ce livre en pleine campagne et élections où un parti d’extrême droite semblait en sortir en grand vainqueur, j’ai pensé que la littérature pouvait à la fois faire montre d’une perspicacité sans égale à l’égard de la réalité et, en même temps, être dévolue à l’oubli : quel enseignement aura-t-on pris de ce livre magnifique ? Juste savoir qu’il existe et qu’on peut s’y référer, s’y réfugier en cas de besoin, par exemple lorsque la manipulation médiatique finit par nous faire douter.
(07/04/2015)

 

L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, d’Haruki Murakami, éditions de Noyelles.
Tsukuru a été un jeune homme brisé, sans savoir vraiment pourquoi. Il a beaucoup pensé à sa mort lorsqu’il était encore étudiant, une sorte de dépression qui l’a emmené jusqu’à l’âge adulte. Pourtant, tout va bien dans sa vie. Il effectue le métier qu’il a toujours rêvé (construire des gares), et a rencontré une jeune femme, Sara. Par son intermédiaire, il va remonter jusqu’au nœud de ses problèmes. A l’aube de ses études, il formait avec deux filles et deux garçons un groupe inséparable. Chacun avait un nom de couleur, sauf Tsukuru, qui restait incolore. Un jour, il a été éjecté du groupe sans savoir pourquoi. Grâce à Sara, il va entreprendre une quête pour tenter de comprendre. Voilà un résumé classique pour un livre qui a tenu les promesses habituelles de Murakami, entre énervement et admiration. Enervement, car ses histoires sont d’une naïveté confondante, et admiration parce que les personnages de Murakami m’enchantent, sans que je sache réellement pourquoi, mais c’est bien un sentiment de charme et de ravissement à chaque fois. L’extrême liberté dont semble jouir les personnages de l’auteur japonais me fascine. Et c’est probablement le secret de cet engouement : on envie ces personnages plutôt sympathiques et francs, et surtout on entre dans le domaine de tous les possibles grâce à leur extrême liberté, bref, c’est l’essence même du romanesque.
(11/02/2015)

 

Au revoir là-haut, de Pierre Lemaitre, audiolib.
Prix Goncourt 2013, je n’avais jamais lu le roman de Pierre Lemaitre. Probablement parce que tout battage médiatique me fait fuir (et quand on pense que je me suis retrouvé 2 fois dans la sélection du Goncourt, on comprendra que je me suis fui moi-même…). Le hasard de ma médiathèque favorite m’a proposé cette version audio, lue par l’auteur. Mes déplacements en voiture étant toujours aussi intenses, j’ai pensé que cette manière d’aborder à la fois l’ouvrage et la route serait agréable. Je ne me suis pas trompé. Pour écouter les 17 heures d’enregistrements, il m’a fallu au moins deux allers et retours à Lille (12 heures au total), le reste étant dispatché entre Troyes, Châlons ou Reims, finalement ça m’a fait quinze jours de trajets. Je retrouvais avec un plaisir impatient les aventures d’Albert et d’Edouard, rescapés malheureux de la guerre, et de l’infâme Henri d’Aulnay Pradel. On sent bien que Pierre Lemaitre est un roi du suspens et du roman noir. Ici, pas d’état d’âme, les personnages se croisent, se manquent, s’échappent dans des situations plausibles mais probablement invraisemblables, la fiction nous entraîne sur fond de fin de guerre et de trafics en tous genres. En revanche, là où les critiques négatives me paraissent infondées (lorsqu’on a un Goncourt, il y a cohorte d’avis mitigés), c’est lorsqu’on reproche à Pierre Lemaitre d’aborder cet aspect peu glorieux de la guerre terminée. Notre victoire gagnée par d’autres n’est pas un angélisme et 1945 a vu les mêmes profiteurs de tous poils s’en sortir mieux que les pékins qui ont été poussés au combat. Excellent moment de lecture, donc (pardon je voulais dire d’audition). Pierre Lemaitre explique dans une interview donné à la fin pourquoi ce livre « donne à entendre ». Lu magnifiquement bien sûr, mais il est bien plus que cela, il est écrit avec de l’élan, du lyrisme, de la joie, de la férocité. Les personnages, tous, sont admirablement dépeints. L’aurais-je apprécié autant en me frottant aux 600 pages de l’édition papier ?
(24/01/2015)

 

Alphabet (de A à M) ; N ; Courants blancs ; Courant 505 : le vide, de Philippe Jaffeux.
Ce qu’il y a de bien avec la poésie, c’est qu’elle s’impose à vous, évidente. Les recueils de Philippe Jaffeux sont de cette trempe. De l’énorme Alphabet (de A à M) aux fines épures de Courant 505 : le vide, c’est l’ensemble du langage qui est balayé. Le premier, Alphabet (de A à M), détonne par ses formes variées, suite de phrases, occlusions de textes, vient en tête la vieille légende biblique de la femme qui ouvrit le vase des mots. Ne pas croire : Courant 505 : le vide ne raconte que du plein : 505 brèves poétiques illustrées par Vincent Rougier. Tout aussi inclassable arrive N, comme une coupure en plein milieu de l’alphabet, la mise en page est « composée de 26 carrés de 14 cm », le tout sur une superficie de 196 cm2, 196 étant aussi le nombre de fois où N est cité… Contrainte pérécquienne, tandis que Courants blancs modernise les vieux aphorismes si chers à Léautaud. Exemple : Sa voix se cachait derrière son silence lorsque ses pages révélaient le chant d’une lumière. C’est page 46, 13ème ligne. Que dire d’autre ? Rien, voyager, s’y noyer.
(09/01/2015)