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Rimbaud, lendemain de Toussaint
Reportage photographique du 4/11/2014
Bien sûr, l'arrivée au cimetière est connue : les deux tombes blanches qui se
détachent sur le vert du cyprès devenu énorme, le buste du mort qui tente de lui voler
la vedette, le panneau superflu qui indique la tombe de Rimbaud. Inconnu cependant ce
qu'on va y trouver en ce lendemain de toussaint, trois jours après précisément : pas de
chrysanthèmes excentriques, juste des pompons ivoire qui rappellent le marbre, et ce
bouquet de roses jaunes devant sa mère, en parfait accord avec les inscriptions dorées.
A droite de la tombe, passé la masse sombre du cyprès, le cimetière s'évase et semble
curieusement se prolonger d'une route où passent de rares voitures. Il n'y a personne. On
a du mal à imaginer cette Toussaint si proche : peu de chrysanthèmes, déjà couchés
par le vent. Les taches de couleur des fleurs artificielles résistent longtemps près des
christs endormis, de vieux vases remplis de pluie tiennent compagnie à des anges cassés.
Restent les portraits de faience qui vous regardent passer, morts éternellement
bienveillants, inscriptions touchantes, regards encore vivants. Un sergent mort à Saigon,
un marin figé dans son mariage, un René à allure d'Apollinaire, de vieux couples
assemblés, deux femmes et l'une d'elles, avec l'air encore étonné de se trouver ici.
Il est temps de repartir, la compagnie des morts doit être éphémère, retour vers la
vie. En remontant vers les cyprès, comment ne pas remarquer les immeubles carrés qui
cernent les croix biscornues. Personne aux fenêtres, même impression d'abandon. Je
contourne les deux tombes, jette un dernier regard au bouquet de roses jaunes, à son nom
si connu. La maison du gardien est proprette, avec une soupière en biscuit qui ferait
bien sur une tombe délaissée. En face, la fameuse boite aux lettres où l'on peut
écrire à Arthur dans l'au-delà. Mais c'est bien lui qui nous lance : Départ
dans l'affection et le bruit neufs ! à travers une affiche colorée, de l'autre
côté du mur.
(19/11/2014)